Ayant un peu "couru après" depuis sa sortie, c'est à Paris que je retrouve une salle programmant Les jeunes amants, à 10h du matin, le dimanche (Merci, MK2 !!).
Deux spectatrices sur les fauteuils rouges : une autre femme et moi-même. J'ose espérer que cette histoire n'aura pas attiré que des retraitées (Lol)... Bref.
Le film commence, immédiatement à hauteur des deux protagonistes, qui se découvrent à l'occasion d'un deuil, mais vont se retrouver 15 ans plus tard... Elle - une belle brune prénommée Shauna - n'a pas changé, lui - Pierre - non plus : il exerce toujours la médecine, elle, architecte un peu brouillon, préfère se ressourcer dans une bicoque irlandaise. Le cadre est posé : elle construit ; il soigne. Sorte d'Olivier Véran barbu touché par l'Humanité, Melvil Poupaud, après Rohmer et Ozon, trouve sans doute ici l'un de ses meilleurs rôles : en homme distrait, s'oubliant lui-même et dépassé par sa famille, il est magnifique et bouleversant de maturité affective. La sobriété et l'élégance de son jeu en feraient un parfait héros hitchkockien. Face à lui, une interprète que, de son propre aveu, la réalisatrice voulait "déstariser", continue de nous étonner à proportion de sa rareté : l'unique Fanny Ardant, pile sur l'âge du personnage, offre un démenti à la crise-des-rôles-pour-actrices-de-50 ans, en nous donnant ici la quintessence de sa sincérité et de son talent. Aussi discrète et pudique, fragile face à l'amour qu'elle n'est forte et déterminée face au déclin, c'est une femme qu'on ne peut qu'admirer - et aimer ! La qualité du scénario - dont les "péripéties" sont avant tout, d'ordre psychologique - tient aussi au soin apporté au traitement de tous les personnages : Georges, l'ami, interprété par Sharif Andoura, est une "gueule" qu'on voudrait souvent revoir au cinéma, tant il est juste et touchant à fois ; Florence Loiret-Caille donne à la fille de Shauna, une vraie épaisseur par sa sensibilité et son intelligence des situations, Cécile de France, enfin - qu'on ne présente plus - une dignité extrême dans sa dernière scène. Dans cette histoire, hommage posthume à une réalisatrice défunte, la mort rode à chaque instant, mais c'est pourtant au Carpe diem, que le film nous invite ; non celui d'une jouissance égoïste sans considération pour autrui, mais au contraire, d'une persevérance de l'amour : pourquoi devrions-nous l'abandonner au moment où chacun en a le plus besoin ?... C'est une mère qui ne vous lâche pas la main au seuil du cabinet médical ; c'est un amant qui retient la vôtre au seuil du précipice. Malgré quelques facilités dans la réalisation (scènes de pluie et musique un peu surlignées), "Aimons-nous jusqu'au bout, c'est surtout jusque-là que l'amour prend tout son sens", nous dit le film. Et qu'importe le flacon, les amants respireront toujours le même air !