Situé juste avant l'an 2000, Grand frère nous plonge dans une Chine sans signes visibles de modernité (portables, internet), assez familière en définitive, avec sa météo grise, ses dérives environnementales et ses collusions mafieuses. Le film est en partie un thriller, dont a d'ailleurs du mal à saisir tous les tenants et aboutissants, mais c'est loin d'être l'aspect le plus intéressant. Plus captivante est l'atmosphère provinciale et déshéritée de cet endroit du nord-est de la Chine (lieu de naissance du réalisateur Liang Ming) et de la relation fusionnelle entre un frère et une sœur qui ne peuvent que compter sur eux-mêmes avant l'irruption d'une jeune femme pour former un triangle amoureux. Le film se place souvent du côté de la sœur, de loin le personnage le plus fascinant et le plus compréhensible dans le récit, interprété magistralement par Lu Celeste. Par ailleurs, malgré ses non-dits et ses trous narratifs, Grand frère surprend agréablement par sa mise en scène, avec une qualité indéniable dans les cadrages et un esthétisme qui ne va jamais jusqu'à l'afféterie. A mi-chemin entre le réalisme et l'onirisme, le film joue avec une certaine dextérité entre les pleins et les déliés, donnant la possibilité au spectateur de se faufiler dans ses interstices pour créer sa propre vision des choses. Malgré quelques frustrations quant à la compréhension globale de son intrigue, le long-métrage possède une cohérence dans ses partis pris qui forcent, sinon l'adhésion, du moins l'attention.