Jeanne Dressen s’est rendue à Nuit Debout dans l’intention de découvrir ce mouvement mais sans vouloir le filmer, marquée par son expérience sur le mouvement des Indignés qu’elle avait suivi en 2011 : « cela m’avait demandé beaucoup d’énergie que de filmer ce mouvement en extérieur, souvent de nuit, en plein hiver, dans la peur permanente de la répression ; et d’appréhender ce mouvement tout en en racontant quelque chose, d’en proposer une vision alors qu’il se cherchait encore lui-même ». Mais sa découverte de Savannah lisant son discours le 2 avril 2016 sur la Place de la République a bouleversé ses plans : « je suis allée faire sa connaissance. Elle m’a immédiatement exposé son dilemme […]. Cela m’intéressait beaucoup de savoir ce qu’elle allait choisir, et je pensais que ça pouvait être un enjeu dramatique intéressant pour un film. Je l’ai donc suivie jour après jour, et petit à petit, j’ai fait un film ».
Le documentaire alterne les séquences « militantes » et les moments plus intimes de la vie de Savannah. La réalisatrice raconte : « A chaque fois, en fait, que je filmais des scènes de famille, je me disais que la limite, c’est elle qui la poserait. Je lui avais dit, dès le premier tournage, qu’il fallait qu’elle me signale les moments qu’elle ne voulait pas que je filme. Je crois qu’ensuite, le contrat était tacite ». Cependant, on ne voit jamais la jeune femme à l’ENS car elle-même le refusait, ne s’y trouvant pas à sa place.
À ma place est un documentaire auto-produit qui n’a pas suivi les étapes classiques de fabrication d’un film. Il a été tourné entre avril 2016 et octobre 2017, monté en été 2018 et terminé la post-production en 2019. Jeanne Dressen se souvient : « Un producteur m'a aidé en chemin mais sans pouvoir travailler dans les cadres en usage, et donc sans disposer des moyens qui en découlent. J'ai dû poursuivre d'autres activités en parallèle. Il a fallu des mois pour trouver une monteuse, un lieu pour la post-production, un monteur son, un mixeur, un étalonneur, et des périodes de disponibilité pour chacun ».