Il faut bien remonter à quelque temps pour voir sur les écrans de cinéma un bon film d’action français où les moyens y sont mis autant que le cœur et l’implication des gens qui y participent, mise à part le très bon Chant du Loup mais qui reste une bien trop grande exception. C’est alors bien dommage que le cinéma français doivent attendre l’initiative de Netflix pour voir émerger un tel projet et non pas des studios français qui en ont pourtant les moyens mais préférant pourtant dépenser les leurs dans des productions moyenne mais où leur rentabilité est presque assuré. Balle perdue est donc le premier film de Guillaume Pierret sortie ce vendredi dernier sur la plateforme et raconte l’histoire de Lino, un ancien détenu travaillant pour la police et petit géni de la mécanique, mais malheureusement victime d’un complot de collègues de sa brigade qui le traque sans relâche après qu’ils aient tués leur chef pour pouvoir continuer leur petit trafique sans problème avec la pègre du coin. Ce premier film plein de bonne volonté et sans ambitions démesurée par apport à ce qu’il peut proposer est toutefois victime de plusieurs maladresses notamment au début du film mais qui n’empêche pas le plaisir de voir une telle proposition en France, il est donc déjà important de conseiller d’aller le voir.
Il est cependant vrai et indéniable que le premier quart du film ressemble plutôt à un échec total pour ce à quoi un film devrait ressembler. Cette partie est en effet très lourde, que ce soit dans la mise en place des personnages assez caricatural dans un premier temps qui nous empêche de s’identifier à eux et devenir empathique de leurs différents conflits. Avec par ailleurs un jeu d’acteur assez inégale qui se tient sur tout le film mais n’aide pas rentrer dans l’histoire, sans parler d’une écriture des dialogues très peu recherché, parfois sans idée et forcent la plupart du temps la caractérisation des personnages sans y mettre les formes ni aucune recherche stylistique, ce qui peut faire peur quand on connait les autres types de production que peut faire Netflix.
Mais une fois passé ce lapse de temps, Balle perdu prend véritablement conscience de son histoire et la portée qu’il peut avoir avec un vrai changement de rythme qui se voit, des relations entre personnages mises en place plus subtilement avec beaucoup plus de mystère où le spectre de chacun se dévoile peu à peu sans que l’on soit perdu mais bien au contraire rivés sur l’écran et dans l’attente d’en savoir toujours plus. Malgré vers le milieu du film un enchainement de séquence entre temps fort et faibles qui perdent quelque peu en impact et contrastent avec le reste, le film s’équilibre complètement par la suite, refermant le récit naturellement sans en faire trop. On peut noter quelques ralentis qui appuient parfois trop l’émotion artificiellement mais la mise en scène reste cependant très sobre en adéquation avec le récit. De plus, sans tomber dans le piège d’une histoire d’amour trop cliché, le film joue au contraire avec cette idée par une femme que tout le monde croit comme suiveuse d’un homme, et non comme ce qu’elle est : la seule au service de son devoir. Bien qu’encore une fois, la femme a ici encore un rôle de moindre importance et reste dans l’attente où son avenir dépend de celui d’un homme, alors qu’on aurait peut-être aimé un développement plus profond de ce personnage somme toute assez intéressant.
Enfin, en tant que film d’action il est donc important d’évoquer les scènes d’action en elles-mêmes qui sont de loin les points fort du film par une maitrise totale du début à la fin. En effet, les chorégraphies des scènes de combat sont tout simplement grandiose, un véritable intermède artistique à chaque fois de l’histoire par une danse un bain de sueur et de sang, un authentique ballet de violence que nous offre les acteurs dignes des plus grands films hollywoodiens du genre. Que dire alors de la prestation d’Alban Lenoir en véritable bête humaine qui donne à lui seul une autre dimension à ces scènes dans une quête totalement désespéré de survie. Les parties portées à 200km/h dans des voitures sur boostés ne sont pas moins réussi et font ressentir le véritable risque de mort qui suit les personnages dans un cadre des plus étouffant, entre champs déserts, terre battus, herbes asséchées sous un soleil suffoquant qui contraste admirablement avec la dernière partie qui met en lumière pour la première fois la mer discrètement en toile de fond qui annonce la libération et l’attente d’un nouvel équilibre.
Le réalisateur Guillaume Pierret a su aborder sa thématique par un regard porté sur les hommes en eux-mêmes, où chaque personnage tente de survivre tout en tirant le maximum de profits par rapport à ce qui l’attire. Chacun d’eux est montré avec de l’importance, le poids d’une vie est ici crucial, on ne voit pas des dizaines de corps inanimés sans valeur au sein d’une masse, mais au contraire, ce qui donne d’autant plus de valeur à chacun. On ressent la brutalité de chaque corps qui se démène comme ils le peuvent, ils sont au cœur de la puissance de chaque coup, sans pourtant jamais les voir, augmentant l’imagination de leur puissance. Le réalisme est le point le plus intéressant pour ne pas tomber dans une pâle copie du monde américain, ce qui n’empêche la présence de quelques pointes d’humour qui n’empiètent jamais sur le rythme du film au vu de la légèreté de celui-ci. Tous les éléments s’adaptent entre eux pour former un film droit et cohérent, non pas un chef d’œuvre mais une belle œuvre d’une heure trente, ce qui est déjà ça.