Rien de tel qu’un nouveau visionnage de Chute libre pour se remémorer, qu’il fût un temps, Joel Schumacher était un metteur en scène ambitieux et qualitativement meilleur qu’à l’heure actuelle. Oui, aujourd’hui connu pour avoir fait à maintes reprises naufrage, les deux derniers étaient Twelve et Effraction, le réalisateur fût alors inspiré en mettant en scène le pétage de plomb culte de Michael Douglas. L’errance d’un homme brisé dans le Los Angeles du début des années 90 démontre que déjà alors, la société accueillait l’individu à bras ouvert pour, au moindre faux pas, le rejeter, avec toutes les conséquences qui vont avec. Ici, place à un l’archétype de prolétariat américain, homme parmi des millions qui voit sa vie brisée alors qu’il se sépare de son épouse, qu’il perd son travail. Pris dans les bouchons infernaux de la cité des anges, l’homme quitte son véhicule et redresse les torts sociaux, à sa manière, un sac de sport plein à craquer d’armes à feu.
Le film ne cesse dès lors de chercher l’aval de public, qui bien que confronter à une dégénérescence du bon petit soldat de la société de consommation, ne fait qu’exposer des vérités qui font hocher les têtes. L’arnaque sur la qualité des produits de fast-foods, la lassitude face à une violence des rues presque risible, l’ingratitude de concitoyens toujours plus pressés et pressants, la révolte face à des prix de consommation toujours en hausse et j’en passe font de Michael Douglas, parfait en désaxé, le bouc émissaire de la révolte, là ou personne ne semble oser lever le ton. Face à son errance dommageable pour l’économie et dangereuse pour ceux qu’il croise, se dresse un bon vieux flic à deux doigts de la retraite, le sage Robert Duvall, lui parfaitement asservi à sa condition. Malheur donc à celui qui ne suit pas le bon chemin, même le périple du bonhomme aura conduit le scénariste à faire exploser à la face du public tout un tas de bonnes réflexion sur la stupidité du monde dans lequel nous vivons.
Pourtant, alors que l’on jubile parfois, la réalité finale nous prouve que l’on ne peut se révolter sans casser les liens qui nous unissent à la famille, aux amis, au travail. La route fût belle mais la fin pénible. L’erreur est sans doute ici d’avoir fait d’un désaxé, un psychopathe, le meneur d’un élan de révolution. Peu importe, l’on adhère parfaitement à l’esprit du film, rebelle et amusant pour ceux qui ne cherche pas inlassablement une morale suave à toute œuvre cinématographique. Les interprétations des deux acteurs principaux sont excellentes, dont celle de Michael Douglas, presque à contre emploi et surtout doté d’un sens de la montée en puissance verbale toute puissante. Ses pétages de plombs successifs sont souvent merveilleusement jouissif, comme lorsqu’il perd son sang froid devant une bande de gérants de friteuses lui refusant son petit déjeuner pour trois minutes de dépassement.
Un film jalonnés de défauts, des maladresses gommées aussitôt par des qualités indéniables. Inégale sur la durée, le final s’avère pourtant le moins bon des segments du film. Était-il nécessaire de faire de D-Fens, au générique, un martyr? Pour autant, un excellent travail de mise en scène, reflétant sans doute la mentalité d’un réalisateur qui avait à l’époque tout le courage et la créativité qui lui manque cruellement aujourd’hui. L’investissement d’acteur reconnu aidant, signalons que Falling Down fût sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes 1993, là encore la preuve d’un écart en le Joel Schumacher d’alors et celui d’aujourd’hui, pour rappel et pour ceux qui ne le savent pas, celui qui à féminiser Batman et Robin. Peu importe, applaudissons le réalisateur pour ce coup là. 16/20