J'ai vu Maudit! en avant-première dans le cadre du festival des cinémas indépendants parisiens. Après Sac La Mort, son précédent film qui dépeignait de façon presque documentaire mais avec un regard plein d’humanité, la vie bancale de Patrice, Réunionnais poursuivi par le mauvais sort, et de ses acolytes, qui tentent sans succès de s’extirper de leur misère, Emmanuel Parraud continue à creuser son sillon de cinéaste métropolitain dans les terres mystérieuses de l’île de La Réunion, loin de tout exotisme. Par le biais du fantastique, il tente de faire surgir le ressenti des jeunes réunionnais, écrasés par le chômage, la violence, l’alcool, les traditions mystiques, et le poids du passé esclavagiste et colonialiste. Ils gardent toujours l’espoir d’une vie meilleure, d’un « vrai » boulot, qui ne soit pas réservé qu’aux métropolitains, pour que leur « paradis » ne soit pas qu’un rêve. Le film se déroule sur les hauteurs, dans un paysage étouffant cerné de brume. Alix, le personnage principal, cherche dans un cauchemar halluciné son ami Marcellin, avec lequel il s’est fortement disputé la veille. A la manière de Mullholland Drive de David Lynch, on ne sait plus si ce que vit Alix est réel ou si c’est son double maléfique qui a pris possession de son esprit. En parlant d’esprits, ceux-ci rodent autour de lui, fantômes des esclaves qui veulent se venger. Et toujours cette brume, qui fait penser à The Mist de Stephen King, où une brume mystérieuse entoure tout un village et zombifie ses habitants, sauf qu’ici elle est naturelle dans cette partie de l’île. On reste hypnotisé par les scènes cauchemardesques, la musique électro étant parfaitement en adéquation avec les images et le rythme du film. Un film fort et original, qu’on peut découvrir sur plusieurs strates, selon que l’on soit ou non familier de la Réunion et de ses coutumes, ce qui n’est pas mon cas. A voir... un soir de pleine lune!