Trois ans après le beau ''Birdy'', Alan Parker adapte le roman de William Hjortsberg, ''Le sabbat de Central Park'' (le titre français est préférable ; le titre original pouvant mettre la puce à l'oreille du spectateur). Il nous livre un polar très agréable à suivre, voisinant avec le fantastique.
''Angel Heart'' est un film classique, dans la grande tradition hollywoodienne. L'intrigue est archétypale, mais toujours aussi efficace : un privé, Angel est chargé par Louis Cyphre de retrouver un chanteur de charme : Johnnie Favourite. On ne se mentira pas, Parker introduit les éléments fantastiques de manière un peu lourdaude : le nom des personnages par exemple, à savoir Angel (Ange...) et Louis Cyphre (Lucifer... subtile, non?). C'est cette lourdeur qui empêche le fameux coup de théâtre de surprendre : Parker a semé trop d'indices (comme les délires d'Angel). A ce titre, ''Sixième sens'' de M. Night Shyamalan réussira douze ans plus tard à doser beaucoup mieux le suspense : le coup de théâtre final sera évidemment plus inattendu que celui d' ''Angel Heart'', sans paraître pour autant gratuit. Le film d'Alan Parker se révèle donc assez prévisible (comme le sera d'ailleurs ''Shutter Island'' de Scorsese).
Malgré cela, ''Angel Heart'' est quand même un film diaboliquement (c'est le cas de le dire) attrayant. Personne ne peut reprocher à ce film son sens de l'histoire et du récit (présent dans d'autres films de Parker). Ce film, classique encore une fois, adopte avec bonheur les codes du film noir des années 50. Ainsi, on retrouve un détective gouailleur (qu'on peut rapprocher de Marlowe par exemple), un client louche... Ajoutez à cela des scènes plus dures, histoire de faire moderne, notamment une excellente scène d'amour, se transformant en déchaînement de violence et de sang. Cela fait du bien d'avoir un film à l'ancienne, ou l'on prend un plaisir simple.
Mais la plus grande qualité du film réside dans la distribution. Les deux acteurs sont absolument géniaux. Mickey Rourke est un fort sympathique privé, qui perdra peu à peu pied dans cette enquête. Et, bien sûr, il y a Robert de Niro, l'un des plus grands acteurs du monde (pour moi). Il incarne (ce n'est pas un spoil, le nom de son personnage est quand même significatif) un Lucifer délicieusement calme et doucereux. Les scènes entre les deux acteurs sont prodigieuses, les meilleurs du film. La scène, l'une des plus réussies que j'ai vu depuis longtemps, où Angel va voir Louis Cyphre dans une église est superbe : Rourke lâche un juron, de Niro (suppôt de Satan quand même!) le corrige (''Vous êtes dans une église''), scène d'une belle ironie.
Alan Parker réalise un polar fantastique où le déroulement se révèle plus réussi que la fin, prévisible. Le film dégage une atmosphère, comme toujours chez Parker, agréablement désuète (aidée par la photo de Michael Seresin). Un film classique, peut-être déjà vu, mais soutenu par deux acteurs magistraux. Parker fait preuve d'un vrai talent pour conter une histoire (il l'avait prouvé dans ''Midnight Express'' et il le prouvera dans ''Mississippi Burning''). Cet ''Angel Heart'' est donc à voir comme un bon film noir, plus faible quant il s'agit de parler de fantastique.