Un film à twist sans twist, ou du moins qui n'est une révélation pour personne d'autre que le protagoniste. L'intérêt est ailleurs, voir cette descente aux enfers, d'un personnage aveuglé par ses propres convictions, même quand tout autour de lui est annonciateur du mal, il continue de s'enfoncer encore plus profondément dans les ténèbres. L'omniprésence du diable est ce qui rend Angel Heart puissant, Mickey Rourke devrait s'apercevoir que tout ça est étrange, mais il refuse de voir le diable, que le spectateur voit d'un œil extérieur. Les scènes avec De Niro (surprenant, il cabotine juste assez pour donner une saveur à son personnage) sont mêmes vraiment grossières parfois, quand il explique que les œufs sont le symbole de l'âme et qu'il en mange juste après, le message est transparent, mais cette démarche me touche vraiment. Cela n'empêche en rien d'être avec ce personnage qui galère, qui à chaud, qui peine à retrouver des proches de Johnny Favorite, et qui continue, peut être par arrogance, car le personnage est loin d'être exempt de défauts, au contraire il est un peu ridicule quand il se prend pour un grand enquêteur de films noirs, alors qu'il dit au début que c'est juste un type qui s'occupe des assurances. N'empêche que face aux enfers, n'importe qui mérite de l'attachement. La vision des enfers est aussi ce qui fait la force du film, les enfers c'est brûlant, étouffant, anxiogène, et vu qu'on est chez Alan Parker, c'est la Nouvelle-Orléans. On est en terrain connu, le metteur en scène sait filmer la ville et la campagne sous un soleil éclatant, à retranscrire la chaleur par l'image, mais il ne se repose pas que sur cela, ajoutant nombreux symboles évoquant l'enfer, sa vision de l'enfer. Ces ventilateurs qui tournent, annonciateurs de l'ascenseur qui mène aux enfers, cet ascenseur qui l'appelle, le personnage est littéralement appelé par les enfers (il se fait même appelé au nom de Johnny dans une scène). Ce personnage très intriguant entièrement vêtu de noir, le sang, les airs de jazz, et tous les symboles sataniques type patte de poulet ; le diable tourne autour de lui constamment, il envahit son esprit (ses rêves également), et c'est pour cela que ce twist est sans doute l'un des meilleurs que j'ai vu dans un film, car tout l'annonce, comme dans Fight Club. Un twist doit provoquer "Comment je ne l'ai pas vu venir" plus que "Je ne l'ai pas vu venir", car c'est simple de surprendre. Pour tout cela Angel Heart est un film absolument brillant, tragique à souhait, la performance de Mickey Rourke est plus qu'excellente, et la musique formidable, quelle bonne idée de faire du jazz le symbole du diable.