À l'image du premier volet, les ambitions de Coppola pour "Le Parrain II" sont démesurées. Ne souhaitant pas proposer qu'un prolongement du récit déjà amorcé, il fait de cette suite une œuvre double, au regard miroir.
La vie de Michael, maintenant à la tête de la Famille, croise ainsi celle de son père, Vito, de son enfance en Sicile jusqu'à son statut de Don. Ce choix narratif, loin de n'être qu'une façon de densifier artificiellement son histoire, est véritablement là pour créer un rapport thématique entre les deux pans du récit.
Ce dernier suit ainsi Michael évoluant au sein d'une période trouble, autant dans son intimité que pour Cuba, pays dans lequel il essaye d'assouvir son pouvoir, alors même qu'une révolution est en marche. C'est dans cette ambiance de déliquescence que Coppola traite, à deux échelles différentes : politique et humaine, le poids de l'héritage, la perte de repère mais aussi, à l'instar du premier volet, la corruption et l'hypocrisie qui ronge le pays. C'est dans ce chaos, pourtant silencieux, que la figure d'un jeune Vito (incroyable DeNiro) apporte de la sérénité. Représentation de l'homme que Michael idéalise, mais n'arrivera jamais à être. Ces passages, en plus d'offrir au long-métrage une dimension supplémentaire par leur traitement de l'immigration et d'une Amérique bouillonnante, rappellent immédiatement la romance Italienne de Michael, sorte de calme avant la tempête.
C'est sur ce principe, d'une œuvre qui regarde autant vers le passé que vers l'avenir, que Coppola construit sa mise en scène. Toujours aussi somptueuse, et considérant son cadre comme l'élément qui catalyse les enjeux, le cinéaste déploie une richesse formelle plus importante, notamment dans son utilisation de mouvements de caméra latéraux, symbolisant l'avenir qui s'offre au protagoniste dans le cas de Vito, mais aussi le poids du passé, venger sa famille pour le père, voir sa vie et son empire s'écrouler pour le fils.
"Le Parrain II" est sublime et torturé. Il présente les mêmes qualités que son ainé, celles d'une œuvre politique à la portée humaine bouleversante, où la complexité n'est jamais un frein pour l'émotion ou la réflexion. Les choix des protagonistes, et leurs conséquences, donne à cette suite l'ampleur d'une tragédie, incarnée par Don Vito, dont le fantôme hante chaque scène, chaque plan, chaque seconde du long-métrage, jusqu'à ce plan final, d'une solitude et d'une froideur déchirante.