Lutter contre la privatisation de la nature
Dans ce thriller dossier, tout se résume dans le la longue intervention d’un scientifique menacé de mort – car il détient des vérités visiblement pas très bonnes à révéler – campé avec force et talent par Jacques Perrin. Effrayant, écœurant et… déprimant. Frédéric Tellier, auquel on doit les excellents SK1 et Sauver ou périr récidive dans l’excellence avec ces 122 minutes qui devraient lui permettre d’accéder au titre de lanceur d’alerte. France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser. Les forces du mal sont en marche, s’insinuent toujours plus profondément dans notre société, font régner le cynisme le plus sordide au nom du profit tout puissant. A voir absolument !
Pouvons-nous encore faire la sourde oreille ou tout simplement dormir tranquille quand on sait que chez nous, en France, dans un silence assourdissant, un agriculteur se suicide tous les deux jours, de désespoir, d’épuisement, de dettes ? Pouvons-nous encore faire semblant d’ignorer le pouvoir démesuré et mortifère des lobbies qui leur permet, sans vergogne, de broyer physiquement et moralement tous ceux qui pourraient, un seul instant, les mettre en cause ou entraver leur sombres projets ? Pouvons-nous encore croire un seul mot de ceux qui nous dirigent et qui sont en permanence – volontairement ou pas, qu’importe, le résultat est le même - sous la coupe de ces forces de l’ombre du grand capital. Ce film nous crie que non, à chaque instant, à chaque image, à chaque parole, mais hélas sans apporter de solution. D’où le titre du film, induisant que nul n’a encore trouvé la fronde capable d’éliminer ceux qui sont prêts à privatiser la nature pour faire la fortune de quelques uns. Cette triple histoire croisée est – malgré quelques défauts – admirablement menée, sur un rythme trépidant et surtout servie par un casting plus que parfait.
Gilles Lellouche, en petit avocat cabossé par la vie, Pierre Niney, dans la peau du personnage qu’on adore détester et Emmanuelle Bercot, à fleur de peau, Yannick Renier, Marie Gillain, Jacques Perrin, - déjà cité et qui se fait très rare au cinéma – et l’impeccable Laurent Stocker, sont tous aussi convaincus que convaincants de l’importance du message qu’ils portent à l’écran. Du cinéma vérité d’une froideur terrifiante qui fait honneur à une certaine idée d’un cinéma français populaire et exigeant. La réalisation et l’écriture sont au rendez-vous de l’ambition du cinéaste. Le seul reproche que je ferai à cet excellent film, c’est d’avoir tirer u peu trop complaisamment les grosses ficelles du mélo, en particulier dans la dernière scène. Mais qu’importe ! Ce thriller environnemental est un must dans le genre, à la hauteur du Dark Waters de Todd Haynes… Ce qui n’est pas un mince compliment.