La ville idéale, au Maroc, pour un film noir, peuplé de personnages aux abois, est évidemment Casablanca et ses quartiers populaires. Cela peut être pour montrer une jeunesse désœuvrée et rêvant d’ailleurs, comme dans le bien-nommé Casanegra, ou pour s’attacher aux pas de losers patentés, acceptant les boulots les plus minables, tel Les Meutes. Soit donc un père et un fils, dans le long-métrage de Kamal Lazraq, chargés d’une mission d’enlèvement relativement simple, qui par maladresse vont devoir se coltiner un cadavre encombrant. Un prétexte pour le réalisateur à nous faire passer une nuit à Casa et dans ses environs, dans une atmosphère glauque et tendue. Devant le nombre important de situations absurdes auxquelles sont confrontées les deux anti-héros du film, le ton aurait pu virer facilement à la comédie mais il y a un tel fond de désespérance sociale derrière tout cela que l’histoire reste fondamentalement une dérive non destinée à nous faire sourire, quoique la dernière scène tende à nous laisser accroire le contraire. Mais pour séduire davantage, au-delà de l’ambiance générale, il aurait été bienvenu de donner plus de consistance à ses deux personnages principaux, notamment à travers une relation père/fils insuffisamment exploité. Tel quel, Les Meutes ne tient pas totalement ses promesses, un peu comme Déserts, bien que pour d’autres raisons, pour le comparer à un autre film marocain montré cette année à Cannes. C’est frustrant mais cela démontre, malgré tout, s’il en était besoin, que les cinémas du Maghreb ont de plus en plus d’écho et d’ambition, avec peut-être un avantage au Tunisien, qui ne cesse de livrer des œuvres particulièrement abouties.