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Caine78
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3,0
Publiée le 12 janvier 2020
S'il reste pour le grand public le réalisateur d'un film (« Un été 42 »), il serait très regrettable de limiter à cela la carrière de Robert Mulligan tant celle-ci déborde de sensibilité. « Les Chaînes du sang » n'est probablement pas le plus représentatif de sa carrière, au point d'être quelque peu inquiet durant le premier quart. Certes, on comprend bien que le bonhomme cherche à dresser un portrait réaliste d'une famille de travailleurs pauvres, avec ce qui cela implique de lourdeurs dans le comportement et de conversations allègrement portées sur la chose. Mais rapidement, on ressent quelque chose de plus complexe, plus grave, et les sujets abordés avec habileté ne manquent pas : solitude, émancipation, relations familiales aussi fortes que chaotiques... Ce n'est jamais manichéen, les points de vue de chacun pouvant s'entendre (plus ou moins) dans un contexte économique et d'emploi difficile, ce que nous montre avec beaucoup de justesse certaines scènes. Côté interprétation, le jeu un peu maladroit de Richard Gere est compensé par une belle ferveur, même si on pourra lui préférer l'intensité de Tony Lo Bianco, voire la générosité de Paul Sorvino. Quand à cette fin, sans m'avoir totalement convaincu, spoiler: garder une noter d'espoir de temps à autre ne peut pas faire de mal non plus . Mulligan mineur ? Peut-être. Mais surtout titre injustement méconnu, et donc méritant d'être découvert.
Seulement âgé de 53 ans quand il réalise "Les chaînes du sang", son seizième long métrage, Robert Mulligan fait déjà figure de vétéran, n'ayant pas pu monter dans le train du Nouvel Hollywood faute d'avoir pu confirmer le formidable succès d' "Un été 42" sorti en 1971. Il ne tournera plus que quatre films avec en conclusion de sa carrière en 1991, le magnifique "Un été en Louisiane" qui confirme que Robert Mulligan n'est jamais meilleur que lorsqu'il parle de l'enfance ou de l'adolescence, périodes de la vie que peu comme lui savent rendre avec autant de justesse. Ici, avec le tout jeune Richard Gere à son casting, il adapte un roman éponyme de Richard Price paru en 1976 qui narre par le menu le dysfonctionnement d'une famille italo-américaine dominée par un père (Tony Lo Bianco) dont le comportement immature et profondément machiste va conduire à sa dislocation. Le fils aîné interprété par un Richard Gere encore novice symbolise l'équation impossible générée par ce mal endogène qui conduit le jeune homme à rester dans le giron familial pour tout à la fois ne pas décevoir son père qu'il respecte mais aussi protéger son petit frère (Michael Hershewe) complètement traumatisé par une mère usée par le poids des vicissitudes quotidiennes ajoutées à l'autoritarisme de son époux. Le sujet franchement sombre est tout d'abord traité avec une certaine légèreté par Mulligan qui dans un long préambule décrit avec une forme d'humour à la limite de la caricature les virées nocturnes de Tommy de Coco (Tony Lo Bianco) faisant bamboche tous les soirs après le travail avec son frère surnommé "Gras Double" interprété par un Paul Sorvino lui aussi en surrégime. Cette mise en place destinée à planter le contexte, trop haute en couleur rate un peu sa cible, Robert Mulligan s'aventurant sur un domaine qui n'est visiblement pas le sien. Heureusement, le film va retrouver un peu de verve, de force de conviction et surtout de crédibilité quand le réalisateur plus à son aise va s'intéresser de près à la relation qu'entretient Stony (Richard Gere) avec son jeune frère, faisant jour à une réelle prédisposition se concrétisant par un travail dans une unité pour enfants malades au sein d'un hôpital du Bronx. Si le poids des traditions ramènera Stony dans sa gangue, un incident dramatique finira d'achever son émancipation. Au final, le film ne manque pas de charme mais l'on se dit tout de même que Robert Mulligan que l'on a connu plus nuancé s'est un peu emmêlé les pinceaux, gâchant quelque peu le potentiel d'un casting pourtant idoine. Il faut aussi ne pas oublier de saluer la performance fort convaincante de Marilu Henner dans le rôle de la petite amie lucide de Stony qui abandonnera assez vite le cinéma pour devenir la vedette d'une célèbre émission de télé réalité.
S'intéressant aux working class heros, Robert Mulligan n'évite pas les pièges du mélo mais signe un joli film attachant et bien joué, notamment par un tout jeune Richard Gere.
Robert Mulligan est un cinéaste humaniste. Après les excellents "Du silence et des Ombres" et avant "Un été en Louisiane" (qui ouvre et clore sa carrière), il explore ici les rapports intra-familiaux d'une famille Italo Americaine issue de la working class en plein les années 70.. Mulligan dépeint avec beaucoup d'empathie et de sincérité cet univers où règne à la fois la joie de vivre, la difficulté de vire au quotidien, la violence et le mal être de cette famille dysfonctionnelle (ou plutôt tout à fait ordinaire pour l'époque) . Le père (Tony Lo Bianco) est un macho violent avec sa femme, dur avec son fils, d'une fierté démesuré, mais qui donnerait tout pour faire vivre sa famille. sa femme, mère au foyer, dépressive, malheureuse et violente avec son petit dernier, l'oncle sympa célibataire (Paul Sorvino) a perdu un enfant a la naissance et aime son neveu (l'ainé) comme un fils, cet ainé rebelle (Richard Gere) qui rêve d'une autre vie mais se sent lié à ce père d'un autre temps qui ne peut que lui faire du mal et l'attirer vers le bas. Si la réalisation est très classique, que la mise en scène n'a rien d'exceptionnel, c'est surtout les acteurs et la psychologie des personnages qui a attisé mon intérêt. Richard Gere, souvent sous estimé, campe ici un ado rêveur tiraillé entre son envie de s’émanciper et de rendre fier son père avec beaucoup de finesse mais c'est surtout pour moi la découverte d'un grand second rôle des 70' qu'est Tony Lo Bianco surtout cantonné à des rôles de mafieux dans French Connection ou Police Puissance 7. il interprète cet homme à la fois touchant et détestable, typique du mâle toxique de l'époque avec une grande conviction et plus vraie que nature. On en ressort ému en ayant envie de voir ou revoir les autres œuvres de ce metteur en scène discret qui a écumé pas mal de genre entre 1958 et 1991, et qui vient de la télévision, à l'époque de l'essor de Frankenheimer, Lumet, Ritt, Penn, Altman..