Chaque film a sa genèse. Celle de We Are Soldiers n’est pas banale. Svitlana Smirnova était actrice de théâtre, en Ukraine, avant de venir en France lors de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Elle s’est portée volontaire comme infirmière à l’hôpital de Kiev pour apporter des soins aux volontaires blessés sur le front. C’est à partir de cette expérience qu’elle a voulu revenir avec un caméraman et recueillir des témoignages de blessés amputés qui tentent de se reconstruire. Svitlana Smirnova voulait montrer trois civils qui s’étaient portés volontaires et qui représentaient trois générations différentes. « Le temps que mon directeur de la photographie soit disponible, l’une des personnes que je voulais filmer a fini par quitter l’hôpital, mais c’est à ce moment là que j’ai rencontré Oleksii. J’avais trouvé mon trio de personnages », se rappelle-t-elle. Le tournage de We Are Soldiers a duré un mois, tous les jours. Parfois, Matthieu-David Cournot, le directeur de la photographie, devait tourner sans Svitlana Smirnova parce que la cinéaste avait en parallèle beaucoup de contraintes administratives à gérer. « Nous avions très peu de matériel : un appareil photo et un micro cravate. Nous sommes retournés dans l’hôpital, un an plus tard, pour enregistrer des ambiances sonores, nous n’avions pas eu le temps lors du tournage », précise-t-elle.
D’entrée, l’émotion nous prend à la gorge et monte crescendo. Les images de Matthieu-David Cournot sont terribles, touchantes, magnifiques. Tout comme l’histoire personnelle et professionnelle de ces hommes. Quelques minutes suffisent. La seule expérience visuelle, sublime, parvient à nous captiver. Mais cette force d’attraction de la prouesse technique ne serait rien s’il n’y avait pas derrière chaque image une composition picturale. Une composition à laquelle participent le cadre dramatique, l’intrigue même… Cette alchimie est source d’un pouvoir irrésistible car elle n’est qu’un simple ustensile pour servir un propos remarquablement mené, qui intrigue tout de suite tant il sait jouer de la suggestion, qui prend au cœur tant il parvient à se focaliser sur l’humain, et qui trouble tant il semble mieux cerner la réalité au travers du dessin qu’au travers de l’image réelle. D’ailleurs »We Are Soldiers » pourrait finalement se résumer à ça : détourner l’image de la réalité pour mieux l’atteindre ; toucher par le rêve quand les images les plus concrètes ont été banalisées par nos esprits. Voilà bien la plus subtile des démarches, induite qui plus est par cette intrigue d’anciens soldats qui cherchent à se souvenir d’un passé dérangeant qu’ils ont préféré occulter. Détourner pour mieux regarder ; travestir pour mieux transmettre ; mélanger les codes pour mieux dérouter ; suggérer plutôt qu’ingérer. Cette démarche, c’est celle de l’artiste et nul doute que cette « We Are Soldiers » est une œuvre documentaire touchante . 3 volontaires principaux, Dmytro , Anatolii et Oleksii racontent leurs vies d’avant, les raisons de leur engagement et leur ressenti par rapport à leur situation. Les 3 parcours différents interrogent sur leur psyché avec différentes subjectivités. Ceci étant dit, tout est dit. Il ne vous reste plus qu’à franchir le pas et enfin vous risquer à la confrontation car cette oeuvre a de quoi faire tourner quelques têtes…C’est un film grand film (documentaire) dont on ne sort pas indemne. Aussi alarmant que plein d’espoir. Formidable, inoubliable et bouleversant.