C’est une plongée fascinante en zone de guerre à laquelle nous convie la réalisatrice Eléonore Weber. 75min d’images provenant d’hélicoptères prises sur le front (en Afghanistan, en Irak, en Syrie…). Des images saisissantes qui portent un regard froid sur des images réelles de guerre.
Il n'y aura plus de nuit (2020) est une compilation d’images infrarouges portée tout au long par la narration monocorde de Nathalie Richard, ainsi qu’un regard militaire, celui de "Pierre V.", un pilote français qui décode ce que nous, simple citoyen, ne percevons.
Les images prises sur le vif ont toutes été filmées depuis des hélicoptères. Chaque tireur est équipé d’une caméra (obligatoire) qui filme et enregistre tout (ces images sont ensuite archivées et peuvent parfois tomber dans le domaine public sur internet, c’est comme cela que la réalisatrice à pu se fournir). Tout au long du film, la caméra est le prolongement du soldat, le point de vue est le viseur. En un quart de seconde, une rafale peut partir, une roquette peut venir s’écraser et anéantir un pâté de maison ou pulvériser des assaillants (et hélas, parfois des innocents).
La réalisatrice s’intéresse aux rapports qu’entretiennent les militaires entre le pouvoir et la technologie. Le fait pouvoir surveiller, survenir ou anéantir sans être vu ou entendu (à bord des hélicoptères, ils peuvent filmer jusqu’à plusieurs km de distance). La frontière entre le jour et la nuit s’atténue avec les progrès technologiques, comme en atteste très justement le titre du film. Il n’y a qu’à voir les plans ahurissants filmés en pleine nuit où l’on y voit comme en plein jour (seules les étoiles viennent trahir « le faux jour »), à l’image de certaines caméras déjà utilisés par les militaires telles que la CMOS Kamelon ou la Falcon Eye KC-2000.
Impossible de ne pas repenser à Good Kill (2014) d’Andrew Niccol, où Ethan Hawke pilotait des drones à plusieurs centaines de km voir des milliers de km et qui, derrière son écran, tuait des talibans. Le rapport de force via l’image infrarouge est exactement le même, le militaire tue par l’intermédiaire de sa caméra, il n’est pas réellement sur le terrain, en première ligne face à l’ennemi.
Déshumaniser la guerre en remplaçant les individus par de simples cibles à abattre ou à laisser en vie. Un choix parfois cornélien car, comme expliqué dans le film, il n’est pas aisé de différencier l’arme d’un terroriste au râteau d’un agriculteur, quand la caméra infrarouge ne permet pas de faire la distinction, surtout lorsque le soleil vient se réfléchir dessus.
Il en résulte un documentaire saisissant où la puissance des images s’en retrouve décuplées. Enfin, il est intéressant de constater que, comme expliqué dans le film, les américains donnent à leurs hélicoptères le nom de peuples indiens massacrés (Kiowas, Apaches ou encore Cheyenne), quand les français eux, donnent des noms d’animaux sauvages, oscillant entre proies et prédateurs (Puma, Gazelle ou encore Tigre).
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