S’il n’est absolument pas question de Diable ou de satanisme ici malgré ce titre mystérieux dont le sens nous échappe toujours, il y a pourtant bien l’incursion du fantastique dans le second film de Léa Mysuis. Par le biais d’un process incongru et particulier qui voit une petite fille au sens olfactif ultra développé enfermer les odeurs des gens et des choses dans des bocaux, « Les Cinq Diables » procède à l’insertion d’un élément paranormal au sein d’une trame somme toute quelconque et réaliste. En effet, il s’agit d’une sorte de triangle amoureux où le passé refait surface et chamboule tout. Et quand une odeur va projeter à cette petite fille des visions du passé qui vont permettre au cœur de l’intrigue de se révéler, on entre alors en plein dans le genre du fantastique. Difficile de résumer ce film, mais lorsqu’on le regarde, c’est bien plus limpide même si tout ne sera pas expliqué et qu’il garde une certaine part de mystère.
C’est donc à un cinéma des sensations que nous convie la cinéaste. Encore plus étrange et intrigant que son premier long-métrage prometteur, « Ava », « Les Cinq Diables » est une réussite à la fois inclassable mais toujours accessible. Jamais hermétique, le film est rythmé mais pas précipité, bizarre mais pas repoussant et à la croisée des genres mais jamais éparpillé. Léa Mysuis réussit un drôle d’équilibre sur les tonalités s’autorisant également quelques notes d’humour bien senties grâce à la gouaille de la gamine jouée par une jeune actrice parfaite ainsi que de beaux moments d’émotion, notamment sur le final, quand on comprend qu’on est face à un film sur l’amour avec un grand A et le manque qui va avec. Adèle Exarchopoulos, définitivement débarrassée des tics de jeu de ses débuts y est impériale, farouche, intense, exceptionnelle, ... Les qualificatifs manquent mais elle irradie chacune des scènes dont on retiendra celle dans la forêt et celles de la soirée karaoké.
La bande originale est également de très bon goût, les morceaux du prologue et de la fin étant vraiment entêtants. Le contexte rare de cette vallée montagnarde (un peu comme dans « La Nuit du 12 ») participe à rendre cette œuvre définitivement singulière. La fin à moitié ouverte qui confirme l’aspect fantastique choisit à raison de ne pas tout expliquer, de laisser des pointillées et des points d’interrogations. A raison car pour ce genre d’histoire et d’atmosphère, il vaut mieux parfois ne pas tout expliquer. On est pris sans problème par cette heure et demie de cinéma français exigeant mais téméraire qui nous emmène par la main sur des terrains peu empruntés. Cela fait du bien, c’est fait avec soin, nos sens ont été bien sollicités comme on l’aime dans une salle de cinéma et, surtout, « Les Cinq Diables » confirme la naissance d’une cinéaste à suivre.
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