Du stress, du stress, et encore du stress. A plein temps n'est pas le film que vous regarderez pour vous détendre, tant sa mise en scène est d'une puissance rare : bruits incessants, masses informes de gens qui se bousculent, montage rapide des plans de mains qui agrippent ce qu'elles peuvent, les transports qui s'enchaînent, s'annulent, se remplacent, les gens qui courent à perdre haleine, les enfants qui demandent de l'attention, la cuisine qui n'est pas faite, le travail, l'entretien pour une nouvelle embauche, la banque, la garderie... Fou, on devient fou, complètement fou, devant ce qui est le quotidien du personnage citadin de Laure Calamy, mais malheureusement aussi le quotidien de beaucoup d'autres, pris dans l'étau aliénant d'une vie chronométrée à la seconde, où la détente (un instant pour respirer ?) n'a pas sa place dans le planning. On subit les émotions violentes, contradictoires, incompatibles, de cette jeune femme à qui on ne souhaite qu'une chose : du repos. Tandis qu'on ne voit pas le film filer, happé par l'interprétation magistrale de Laure Calamy (un film, un rôle, un jeu stupéfiant à chaque fois... Y a-t-il quelque chose que Calamy ne sache pas jouer ?), on sent nos nerfs mis à rude épreuve, et on lâche un "Ah non !" qui vient du cœur, lorsque A plein temps, conscient de notre état lamentable de l'autre côté de l'écran, tente un coup de bluff sur son final, qui nous a plus que dupé (on a viscéralement cru que le
train
allait être son échappatoire tragique à ce monde de fous... Le silence lourd qui s'en est ensuivit a prouvé qu'on n'était pas seuls à être figé, dans l'attente rassurante ou accablante de savoir si cette mère excédée a terminé
d'avancer devant le train
). A plein temps aura même la gentillesse, la prévenance extrême, de nous offrir une happy-end, pour changer notre palette d'émotions, et nous embuer les yeux de compassion. Ce film est au-delà de l'intelligence de son montage asphyxiant, au-delà de l'interprétation stupéfiante de Laure Calamy, au-delà du malêtre qu'il dénonce, il est une expérience émotionnelle forte, qui nécessite un petit RTT pour souffler après.