Quand le Japon plonge dans les zones d’ombre de son passé
Depuis 40 ans, le réalisateur Kiyoshi Kurosawa est central dans le cinéma japonais avec de vraies réussites comme Ryes of the spider, Cure, Kairo, Tokyo Sonata, Shokuzaï, ou le formidable Creepy. Devenu un maître du thriller il nous propose 115 minutes entre drame historique et film d’espionnage dignes des meilleurs Hitchcock. Kobe, 1941. Yusaku et sa femme Satoko vivent comme un couple moderne et épanoui, loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident. Mais après un voyage en Mandchourie, Yusaku commence à agir étrangement… Au point d’attirer les soupçons de sa femme et des autorités. Que leur cache-t-il ? Et jusqu'où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ? Une valse de la paranoïa à ne pas manquer.
Lion d’Argent de la Meilleure Mise en scène à la Mostra de 2020, ce film bénéficie de la participation au scénario de Ryusuke Hamaguchi, qui n’est autre que le réalisateur de l’extraordinaire Drive my car, Prix du Scénario au dernier Festival de Cannes. Ici, on nous raconte l’amour d'un couple marié pris dans une myriade d'influences extérieures, conduisant à une série de déceptions stratégiques. Mais on est très loin de la romance. Même si l’intrigue se traîne un peu durant la 1ère heure, l’accélération va croissante en même temps que le suspense. Historiquement, certaines guerres ont été menées au nom de la justice. D’autres n'étaient que des invasions. L'humanité a autant combattu par instinct de survie que par orgueil. Il est déjà difficile de croire que de telles violences aient pu être commises par des hommes politiques et des soldats. Mais ce qui questionne ici, encore une fois, c’est la manière dont cette folie finit par s’immiscer dans l’âme d’un peuple tout entier. Et comment peut-on justifier les massacres, dans une forme de consentement patriotique ? Voilà pour le fond. Quant à la forme, rien à dire, c’est superbe, décors, lumières, ambiances et surtout le jeu des acteurs. Un scénario machiavélique et une superbe réalisation. Du grand art.
Le trio Yû Aoi, Issey Takahashi, Masahiro Higashide, tous bien connus des cinéphiles amateurs de cinéma nippon, est tout simplement remarquable. Ils incarnent à merveille ce jeu de manipulations, qui ce thriller historique à la fois universel et intemporel. L’Histoire est tragiquement en marche sur fond de trahisons politique et conjugal. Un film sombre, sec et lyrique à la fois. Et les occidentaux que nous sommes trouvent un intérêt tout nouveau à découvrir la part de ténèbres de l’Empire du Soleil Levant. Mais la mécanique implacable, n’étouffe pour jamais l’émotion. Du très grand cinéma japonais… pardon Cinéma avec un grand C.