Le projet commence avec le producteur Barry Clark-Ewers qui a appelé le réalisateur James Erskine pour lui demander s’il y avait un film sur une personnalité du monde de la musique qu'il avait envie de faire. Immédiatement, l’histoire de Billie lui est venue à l'esprit :
"J'avais toujours trouvé sa voix tout à fait envoûtante et j’avais beaucoup lu sur sa vie extraordinaire. Au cours de ces lectures, je suis tombé sur le mystère de Linda Lipnack Kuehl et de ses cassettes "perdues". Je savais que quelques écrivains avaient eu un accès limité à quelques transcriptions imprimées de Linda, mais je n’avais aucune idée si les bandes elles-mêmes existaient vraiment. Barry m’a dit qu’il allait partir à la chasse et, en quelques semaines, il avait retrouvé les bandes en possession d’un collectionneur du New Jersey qui avait acquis les oeuvres de Linda auprès de sa famille à la fin des années 1980 - un véritable trésor de 125 bandes audio, deux cents heures d’interviews, ainsi que le manuscrit non publié de Linda. Barry a négocié une option et nous nous sommes envolés pour New York, pour passer deux jours à écouter les bandes non diffusées dans un studio, afin de vérifier qu’il y avait bien quelque chose sur ces bandes vieilles de près de cinquante ans."
Ce que James Erskine et Barry Clark-Ewers ont entendu leur a alors beaucoup plu : "Charles Mingus, Tony Bennett, les copains d’enfance de Billie Holiday et des agents du FBI, dérivant et souvent crépitant à travers le temps des cafés, restaurants et boîtes de nuit des années 70 où Linda les a enregistrées. Certaines de ces cassettes étaient désagrégées, d’autres à peine compréhensibles, mais beaucoup se sont révélées des perles rares. Nous avons commencé le processus de transfert numérique des bandes - et à déterminer quels dialogues utiliser pour raconter l’histoire de Billie - pour à la fois explorer les contradictions de sa vie et donner la place qui revient à son génie d’interprète", se souvient le metteur en scène.
Pendant le développement du film, James Erskine et son équipe se sont rapidement rapprochés des héritiers de Billie Holiday pour s'assurer qu’ils étaient d’accord avec le projet. Il se rappelle : "Ils ont accepté de nous aider pour garantir la véracité de l’histoire. Cela nous également permis d’obtenir la musique dont le film avait besoin - le génie de Billie était sa voix, et contrairement à un livre, le grand atout était de pouvoir voir et entendre Billie - pour emmener le public dans le temps, dans les "cabarets clubs" des années 1940 et pour vibrer en voyant Billie en direct. Notre équipe de chercheurs s’est mise en quête des bonnes archives pour raconter l’histoire. Nous savions qu’il y avait peu d’images de Billie, mais nous voulions être sûrs de pouvoir remonter à la source, si possible, en retrouvant des tirages 16 mm et 35 mm oubliés depuis longtemps. Pour les photos, nous avons contacté non seulement des agences mais aussi des centaines de photographes et leurs descendants pour essayer de trouver des images qui n’avaient jamais été vues auparavant, notamment certains clichés de Jerry Dantzic, et les trois photos qui ont été prisés la dernière fois que Billie est montée sur scène."
Une des plus grandes décisions qu'a eu à prendre James Erskine était celle de coloriser le film. Heureusement, le cinéaste est tombé sur l’oeuvre de Marina Amaral et sur son best-seller "Color of Time". "Marina a fait quelques tests d’images pour nous et j’ai été époustouflé. Son talent nous a transporté dans le passé et permis de voir de nos propres yeux le monde de Billie", précise-t-il.
James Erskine a construit l’histoire de Billie en faisant en sorte que le film ne soit pas seulement "sur" elle, mais que le spectateur sente sa présence tout au long de son parcours. "Ce qui était essentiel pour moi, c’était de m’assurer qu’il y avait assez de place dans le film pour s’asseoir et admirer son pouvoir, son génie, et aussi de faire en sorte que le public comprenne que l’histoire de Billie est racontée à travers les chansons qu’elle a chantées. Prendre la narration de Billie, la mélanger à une structure musicale cohérente, puis retracer sa vie et son image changeante était l’essence du film", raconte le réalisateur.
Il y avait par ailleurs un autre angle que James Erskine souhaitait explorer dans Billie : l’histoire de la journaliste Linda Lipnack Kuehl et pourquoi les bandes n'ont jamais été écoutées auparavant. Le metteur en scène explique : "Le collectionneur auprès duquel nous avions acquis les cassettes, Toby Byron, n’en savait pas beaucoup, on lui avait dit qu’elle s’était suicidée avant de finir le livre, mais nous voulions savoir pourquoi - qu’estce qui l’avait poussée à faire cela ? Était-ce le livre, la tragédie de l’histoire de Billie, et étaitce même un suicide ? Là encore, Barry, le producteur, s’est mis à la tâche et a commencé à rechercher les proches de Linda, l’objectif étant d’établir un lien avec Myra Luftman, la soeur de Linda, dont nous savions juste qu’elle était une enseignante à la retraite. Barry a contacté plusieurs de ses anciens collègues et nous avons fini par établir le lien. Les Luftman étaient nerveux à l’idée de parler ; la perte de Linda était clairement une blessure profonde dans leur famille, mais ils m’ont gentiment permis de passer du temps avec eux et nous avons noué une amitié."