Avant de parler de ce qui fâche, il faut saluer la performance des acteurs et actrices qui se sont mesurés à ce sujet épineux.
Dussolier est au petit poil en vieux cynique auquel l'AVC ajoute sans doute sa dose de désinhibition. Certes, pour l'ex kiné que je suis, sa récupération du langage sans aphasie caractérisée, quelques jours ou même semaines après une hémiplégie droite bien cognée, paraît assez improbable. Avec une hémiplégie gauche j'aurais été plus convaincu, et on peut se demander si Ozon a bien potassé les aspects médicaux de son sujet. Mais l'acteur, excellent comme dab, fait le boulot et s'en tire avec les honneurs, réussissant même, outre à nous faire sourire ou nous agacer, à être crédible en invalide gâté pourri.
Sophie Marceau (Emmanuelle) donne elle aussi toute sa mesure : belle, sobre, solide et sensible, elle crève l'écran. Géraldine Pailhas (Pascale) assure de même en petite soeur plus fragile mais solidaire. Quant au reste de la distribution, il ne souffre pas non plus la critique.
Reste maintenant qu'en sortant, je n'avais gardé en tête qu'une seule des répliques de Dussolier (André !), qu'il balance très cyniquement quand sa fille l'informe du prix que coûte un suicide assisté en Suisse : "Mais comment font les pauvres ?"... Pour moi tout était dit, les portes de l'empathie se fermaient et si j'ai pu sourire où même sentir l'émotion monter timidement ensuite, ce n'est que grâce au talent des acteurs. Je n'ai vu dans ce combat familial pour la mort du père que les gesticulations d'une poignée de grands privilégiés et la fin annoncée d'un "bonobobo" parisien égocentré jusqu'au bout, incapable de vivre l'amour à double sens dans lequel chacun donne de soi et reçoit de l'autre. Dans "Amour" de Haneke, j'avais pourtant vu un riche se débattre avec la souffrance de sa moitié et j'avais plongé dans sa tristesse sans arrière-pensée...
Oui, en sortant j'ai pensé au poignant "Quelques heures de printemps", de S.Brizé, et n'ai pu m'empêcher de comparer les mérites de ces deux films, qui traitent le même sujet. Il va sans dire que je préfère de loin la vision de Brizé, plus universelle parce qu'on s'identifie plus facilement aux personnages, plus efficace pour nous amener à réfléchir aux insuffisances de la loi Léonetti !