Nous aimons François Ozon pour son sens du tempo et la subtilité qu’il y injecte lorsqu’il s’agit de caresser un support romanesque. Mais à force d’enchainer ses projets, il se perd au fil des saisons et nous laisse sur un regard curieux, pourtant habité, sur son dernier « Été 85 ». Ici, le point de vue sera plus délicat et l’adaptation du roman d’Emmanuèle Bernheim ne connaîtra pas le souffle qu’on lui associe. Entre « Falling » et « The Father », déjà vu cette année, la paternité mourante revient à la charge et foule les couloirs d’hôpitaux, comme s’il fallait brosser le portrait d’un sanctuaire ténébreux. C’est ce que l’on pourrait croire à première vue, mais l’enjeu ne gagne presque jamais de terrain sur sa bulle de réflexion. Une fin de vie accentue un peu plus les conflits, mais panse également des plaies qui n’ont pas totalement cicatrisées. Hélas, bien que le sujet soit audacieux et d’actualité, il y aura plus d’un regret dans ce fantasme pudique et bourgeois.
Ce qui découle d’une affaire juridique et pénale devient l’objet d’étude d’une famille, en quête de rédemption. Deux sœurs, se partagent les charges d’un père, qui choisit de s’effacer de l’équation, un choix évidemment égoïste, pour un vieil homme qui ne manque pas de justifier son côté raffiné et enjoué. André Dussollier l’incarne avec une énergie remarquable, en s’armant d’un cynisme à toute épreuve. Le contraste gagne parfois à rendre sa décision plus anecdotique, mais quelque chose nous ramène toujours à cette fatalité, qui a mûri en lui. Le droit de se donner la mort est un outil convoité, mais qui ne semble jamais vouloir s’aventurer au-delà du mode d’emploi. Le principe n’intéresse guère, car la véritable démarche s’inscrit dans la lutte d’enfants, qui ne savent pas comment accompagner leurs aînés à leur tombeau. De même, Ozon ne sait pas sur quel pied danser, notamment dans le choix d’une mise en scène classique, voire académique et qui ne dialogue pas avec les émotions attendues.
Le rire est un remède ironique, qui ne trouve pas sa place dans une partition déjà ambiguë et maladroite. Entre les flashbacks dispensables et autres surexplications, rendant les répliques toutes aussi ennuyeuses, il y aura peu de place pour cette mélancolie que l’on recherche et qui ne restera que de l’autre côté de l’écran. Les effets de Sophie Marceau n’aideront pas non plus à rendre plus pertinente cette descente vers l’angoisse, car c’est toute l’énergie de la caméra qui aspire la vitalité des personnages. De même, Géraldine Pailhas se trouve limite exclue de la table familiale afin de servir au mieux sa sœur, qui ne gère pas mieux la transition de son père. C’est du point de vue du personnage de Marceau que l’on préfère camper au lieu du condamné, qui a pourtant un peu plus à raconter. Il possède ses tourments à disperser, son caractère iconoclaste et sa sexualité énigmatique à révéler. Nous passons peut-être à côté d’un récit fabuleux, sur ce qui l’a conduit dans l’impasse.
« Tout s’est bien passé » frappe pourtant sans retenue côté performance, mais ce sera à l’occasion de quelques gags insérés qu’on se méprendra sur les intentions d’un réalisateur essoufflé. Les enfants, blessés dans une relation parentale complexe, ne délivrent en rien de l’intérêt pour cette farce, dont le sujet devrait inquiéter. La douleur que l’on essaye d’évacuer avec patience et douceur, se retourne contre elle. Tout au long de ces interminables allers et retours entre la cellule de crise familiale et la cellule d’un homme, qui ne demande que le coup de grâce à ses filles, symboliquement fortes et indépendantes, les étincelles se feront rares.