Ce matin je dis à mon père que je prévois de regarder le soir-même ce film, La chambre des officiers, de François Dupeyron. Je n'ai encore qu'une vague idée de ce qui m'attends, mais mon père qui l'a vu, m'étonne par sa réflexion, "C'est un film qui fait peur". Du coup, toute seule chez moi, le soir-même, j'hésite une demie-seconde à mettre le dvd.
A la fin du film je ne suis plus qu'une épave. Mes yeux sont gonflés, je ne vous fait pas un dessin.
Peur ? Je me demande encore par quelle bizarrerie mon père, quelques huit-dix ans après avoir vu ce film, n'en a gardé que ce souvenir, cette réflexion.
Un seul sursaut de peur m'a traversée, largement aidé par l'effet de surprise, et la musique, lors de la première scène du film. C'est en effet le seul moment où le réalisateur, à leur insu, joue du physique de ces hommes défigurés par la guerre, la Grande guerre, - qu'on a appelé les Gueules cassées -, purement dans un but de mise en scène.
Ensuite, pendant le reste du film, certes le spectateur a peur, il a peur du regard des autres sur ces personnages que le film lui a fait aimer, il a peur de la maladresse des autres qui peut blesser ces hommes défigurés, rendus étrangement vulnérables, très humains en somme car fragiles ; il a peur que les personnages ne perdent espoir ; il a peur de la nuit en même temps que les personnages, car la nuit, seuls dans leur chambre d'officiers, seuls dans leurs lits, ils sont réellement seuls avec eux mêmes, sans échappatoire, et alors ils sont amenés à penser à eux mêmes et à leur sort.
Le spectateur pleure avec les gueules cassées sur leur visage perdu, mais dans le même temps regarde ces visages défigurés avec tendresse, ça a été mon cas en tous cas, et bienheureusement sans jamais avoir peur, mais en se mettant à leur place.
Pour moi si c'est un grand film, c'est moins pour la qualité de la réalisation, - à laquelle il n'y a rien à redire, le film a par ailleurs reçu le César de la Meilleure photographie -, mais pour ses qualités humaines. L'Homme y est montré dans toute la fragilité, fragilité des Hommes face à la guerre qui les dépasse, avec la peur de partir au front, la peur d'y voir partir son mari, ses amis ; fragilité de l'Homme face à la perte de soi, face aux mutilations des son corps, de son visage, de son image physique et du même coup de son image sociale ; fragilité de l'Homme face aux autres Hommes, la difficulté d'accepter l'aide de l'Autre, la difficulté d'accepter le réconfort que peuvent nous apporter les bras de l'Autre, ou simplement sa main ; fragilité de l'Homme face aux autres Hommes encore parce qu'il y a la peur que l'Autre, peut être dans le vouloir, par un regard, une maladressse, de nous fasse du mal, la volonté de se protéger soi-même ; fragilité et vulnérabilité encore de l'Homme face à l'amour, au désir.
Autant de thèmes présents dans ce film, et qui en font toute la profondeur, et qui arrachent aussi les larmes des spectateurs (c'est telement bien de pleurer devant un film :) ^^.)