Ce film est avant tout un duel entre deux actrices, toutes deux stars de l'âge d'or du cinéma hollywoodien. Robert Aldrich a volontairement choisit Bette Davis et Joan Crawford pour incarner les deux soeurs. Il exploite, ainsi, la réelle animosité et jalousie qui existait entre ces deux monstres sacrés qui ont eu un plan de carrière radicalement différent: l'une, Joan Crawford, qui a bâti sa réputation sur un physique très avantageux, mais qui n'a pu montrer réellement ses talents de tragédienne à partir de "Mildred Pierce" (1945) a un moment où la carrière de Bette Davis, au physique moins facile, semblait marquer le pas, sauf avec "Eve" (1950) -encore une histoire de rivalité entre actrices. Toute la dramaturgie du film et la direction d'acteur s'appuie sur cette véritable compétition psychologique entre les deux actrices. Je n'aurai pas voulu être sur le tournage qui a dû être éprouvant !
Aldrich porte aussi un regard lucide sur divers aspects des mécanismes de le système de starification des grandes majors américaines, toutes puissantes dans les contrats qui les liaient à leur tête d'affiches.
Au travers, du personnage de Baby Jane (Bette Davis), il critique aussi l'exploitation de parents peu scrupuleux prêt à utiliser leurs enfants en projection de leur propre ambition de réussite sociale.
C'est aussi une analyse psychologique intelligente, poussée à son paroxysme, de la complexité des rapports entre deux soeurs que l'on a poussé l'une contre l'autre dès leur enfance et qui restent prisonnière d'un schéma dont elle ne sont pas responsables, mais qu'elles ont alimenté tout au long de leur vie, car elles n'avaient pas d'autres mode d'emploi que de se haïr prodigieusement. Dans le fond, leur relation est indéfectible, l'une a toujours besoin de l'autre pour exister, ou pour parvenir a exister telle qu'elle s'imagine au travers du regard projeté des parents, puis du public par la suite. Il est question du désir de reconnaissance chez les deux soeurs, que les parents n'ont pas su regarder telle qu'elles étaient. D'où cette demande insatiable du désir d'être regardé et aimé par un public, réparation d'un manque d'amour véritable des parents.
Baby Jane, dans sa folie tyrannique, cherche à tous prix à retrouver cette reconnaissance perdue dans le regard des autres et du public, sans avoir conscience qu'elle n’était que l'expression du désir de réussite du père et qu'elle n'avait pas du tout de talent. Alors que Blanche (Joan Crawford), a pu véritablement, elle, s'imposer par sa beauté et son talent, mue par la véritable ambition de surpasser cette soeur "reconnue" pour enfin obtenir cette reconnaissance à son tour, qu'enfant elle n'a pas reçue. Forcément s'installe des rapports sado-masochiste entre les deux soeurs. Jusqu'au moment où l'une commettra l'irréparable pour "arrêter" de subir les humiliations de l'autre. Paradoxalement, cela ne fait qu'intensifier la violence et renforcer le lien entre les soeurs, car elles ne savant pas "s'aimer" autrement.
D'ailleurs, lors d'une des dernières scènes, Jane, dans un moment de lucidité, dit à sa soeur Blanche qu'elles auraient pu s'aimer normalement comme dans une relation saine entre deux soeurs. Si seulement...
A cet égard, le twist final laisse pantois
et sème de nombreux doutes dans l'esprit du spectateur; Au final nous a t'on vraiment révèle la vérité. Est ce que Blanche, ne pousse pas jusqu'au bout son sens du sacrifice, ne cherche t'elle pas à protéger Jane d'une souffrance radicalement destructrice ?
Un suspense quasi-hitchcockien mâtiné d'un regard à la Bunuel, malgré quelques longueurs. Mais surtout une véritable performance des actrices, qui ont du en baver au sens propre comme au figuré, malgré l'outrance du personnage de Bette Davis, voulu par Aldrich, car "Baby Jane" reste comme l'un des personnages de femme les plus terrifiants de l'histoire du cinéma à ce jour.