Ce n’est pas tout les jours qu’on se retrouve devant un film de science-fiction à gros budgetqui a été à la fois écrit et réalisé par la même personne, à savoir le Britannique Gareth Edwards, disparu des radars depuis le pourtant fort inspiré remake de ‘Godzilla’ de 2014 et un ‘Rogue one’ deu ans plus tard qui peut sans difficultés être considéré comme le meilleur film estampillé Star Wars des quarante dernières années : on peut donc définir ‘The creator’ comme un blockbuster d’auteur, un véritable mouton à cinq pattes au sein du système hollywoodien, d’autant plus que le sujet des I.A., de la manière dont il est abordé ici, a surtout donné lieu jusqu’à présent à des œuvres réflexives et modestes, par exemple le ‘Ex machina’ de Alex Garland. Dans ‘The creator’, il y a de l’emphase, des sentiments passionnés, de l’action tonitruante et explosive, des visions fantasmatiques des cités et des paysages du futur et une approche, dosée avec autant de précision que dans un film plus humble, de la fine frontière qui définit l’humanité, chez les hommes comme chez les machines. Par moment, on est un peu déstabilisé par le rythme, le découpage des scènes ou l’atmosphère qui s’en dégage…mais je ne crois pas qu’il faille y voir un faiblesse chez Edwards : il s’agit simplement de la vision d’un réalisateur qui a fait ses premières armes sur un mémorable micro-budget (“‘Monsters”) et qui, sans la pression liée au fait de travailler sur une franchise prestigieuse, évolue ici en totale liberté avec les réflexes acquis à cette époque…mais avec un budget 200 fois supérieur : dans la façon dont on le ressent, ‘The creator’ n’est pas un blockbuster lambda et c’est tant mieux. Ceci dit, il ne faudrait pas non plus tomber dans l’excès inverse et voir un chef d’oeuvre et une révolution dans ce qui n’est qu’un blockbuster un peu plus finaud que la moyenne, mais qui n’en reste pas moins tiraillé entre ses vertus auteurisantes et ses obligations de divertissement populaire. Un autre écueil auquel Edwards n’a pas tout à fait réussi à échapper est d’avoir aggloméré et synthétisé de multiples influences sans pour autant être parvenu à les invisibiliser dans la retranscription personnelle qu’il en a faite. Certes, le fait qu’une bonne partie des scènes d’action, géographie oblige, évoquent les films de guerre sur le Vietnam avec un écart technologique d’un siècle est plutôt une bonne idée…mais le film n’accentue pas autant qu’il le pourrait les différences psychologiques entre humains et androïdes, rendant la dialectique “humanitariste” d’autant plus confortable que ce sont surtout le parcours et l’évolution du protagoniste humain qui sont sondés en profondeur. De même, sans qu’on puisse vraiment l’accuser de manquer de personnalité, il ne parvient que difficilement à faire oublier, visuellement et conceptuellement, tout ce qu’il doit à ‘Star Wars’ et ‘Blade runner’ et à beaucoup d’autres références de la science-fiction. Un peu dommage tout cela…mais l’existence même de ‘The creator’ au milieu d’un paysage science fictionnel hollywoodien globalement sinistré par les franchises et les superhéros constitue déjà une raison de se réjouir.