Curieusement, le film n'est resté qu'une semaine dans les circuits de grande distribution. Il ne passe plus désormais que dans quelques salles périphériques et à des horaires décousus. C'est grand dommage, car l'histoire d'amour entre Avdal, ce soldat mutilé dans sa virilité par un chirurgien maladroit, et Ziné, cette jeune femme amoureuse, a quelque chose de touchant qui maintient le spectateur en haleine durant tout le film. Il y a tout d'abord, me semble-t-il, la qualité de l'image et des prises de vue : les plans larges sur les hauts plateaux du Kurdistan au soleil levant sont de toute beauté ; certains moments d'intimité sont d'une authenticité déchirante, en particulier lorsque Avda caresse sa jeune femme à travers la porte-moustiquaire : son regard désespéré, filmé de près, est bouleversant. Le film joue admirablement du contraste tragique-comique, puisque la rivalité entre les deux pères donne lieu à des scènes dignes de certaines comédies italiennes ou des films de Pagnol. Bref, une belle romance. Seule chose que je n'ai pas bien saisie : l'issue de ce drame. A la fin, Ziné découvre que, contre toute attente, elle est enceinte. Je me suis demandé s'il s'agissait là d'un rêve : Avdal a ôté son alliance, il est reparti au combat et cherche visiblement à se faire tuer. ZIné a jeté la bague à travers le jardin et tout semble terminé. Elle le rejoint, sans grande vraisemblance, sur le champ de bataille et il accueille avec joie la nouvelle se sa future paternité. S'agit-il d'une grossesse réelle ? En quel cas, l'enfant n'a pu être conçu qu'au moment où, au début du film, les deux jeunes gens font l'amour dans la voiture. Cela signifierait donc que seulement six ou sept semaines se sont écoulées entre l'épisode de la voiture et le test de grossesse. Or, Avdal, après cette séquence, est retourné à la guerre, a été blessé, opéré, s'est remis, les deux familles ont accepté le mariage qui a été célébré, Avdal est reparti au combat. La deuxième fois qu'il va voir le médecin pour lui reprocher sa maladresse, il semble qu'un temps assez long se soit écoulé depuis le moment où il a découvert son impuissance. J'avoue que cette fin heureuse m'a séduit sur le plan humain et psychologique (les héros sont beaux et attachants et on a envie de les voir heureux), et étonné sur le plan de la logique narrative. Mais globalement, on est en présence d'un cinéma qui a quelque chose à dire.