Avis sur Went the Day Well? (48 Hours)

Totalement inconnu en France, il serait bon de (re)découvrir ce « Went the Day Well? » de fort bonne facture. Cela a beau être très classique dans sa forme, il faut reconnaître à Cavalcanti une sacrée élégance et un joli sens du rythme, si bien que l'on ne s'ennuie jamais. Le mot « classique » n'a d'ailleurs ici rien de péjoratif. Au contraire, il est totalement au service de cette étonnante histoire : celle d'un village anglais infiltré en loucedé durant la Seconde Guerre mondiale par des soldats allemands se faisant passer pour britanniques, et qui verra la rébellion courageuse des habitants. Cela se fait toutefois au fur et à mesure, et on est épaté par la façon dont le réalisateur construit cette révolte petit à petit, certains essais échouant, d'autres réussissant. Le récit n'en est du coup que plus crédible et mieux construit, l'incertitude planant de bout en bout de l'oeuvre, permettant au passage de bien développer les différents personnages et leur comportement. Cela aurait sans doute pu être encore plus fort, mais un film de guerre aussi original, bien raconté et sans le moindre (ou presque) patriotisme mal placé, je dis oui !

« Went the day well ? » est un film de guerre Britannique, tourné dès 1942 par Alberto Cavalcantti pour mettre en garde la population contre une éventuelle invasion nazie. On se retrouve donc plongé au cœur d'un petit village dont la quiétude est troublée par l'arrivée d'un contingent de soldats en manœuvres. Peu à peu, l'accueil chaleureux de la population locale se transforme en méfiance, ces soldats Anglais ayant parfois des comportements bien étrange. Le principal intérêt de cette œuvre, totalement inconnue en France, vient de son évident réalisme historique. En effet, l'accent est mis avec justesse sur la paranoïa que devait ressentir l'Angleterre, totalement isolée et dernière nation européenne encore en mesure de continuer le combat. La menace de cette « 5ème colonne », réellement composée d'Allemands déguisés en soldats alliés, était d'ailleurs prise très au sérieux par les autorités Anglaises. Côté technique, il est évident que le poids des ans se fait cruellement ressentir, même si la photographie noir et blanc reste de très belle qualité... pour être totalement honnête, ça ne suffit pas toujours à éviter l'ennui provoqué par un rythme inégal et des scènes d'action bien désuètes.

Un film rare réalisé en 1942, durant le conflit mondial. C'est une fiction bien sûr, mais le film se veut éducatif pour la population anglaise. C'est assez bien réalisé par Cavalcanti, dans un beau noir et blanc pour l'époque, le scénario est parfois confus avec de nombreux personnages, la première moitié assez drôle parfois, la seconde plus tragique, avec des combats à la fin du film. Beaucoup de morts, une lutte héroïque du petit peuple anglais, avec également un traître, justement descendu par une patriote. La fin est un peu confuse, comment reconnaître des allemands déguisés en soldats anglais et les vrais soldats anglais, quand ça tire de tous les côtés ? Bref, ce n'est pas trop mal quand même. On ne s'ennuie pas.

L'arrivé d'Alberto Cavalcanti aux studios Ealing en Angleterre va soudain propulser la qualité des films de ce studio sans grand prestige. Originaire du Brésil, ce réalisateur va merveilleusement croquer le caractère flegmatique des anglais et surement le fait qu'il soit étranger lui donne un recul de l'image britanique qu'il n'hésite pas à caricaturer jusqu'à l'extrème dans ce film allant même rendre ces héros anglais ridicules face à l'ennemi allemand. (Une leçon que Gérard Oury reprendra pour sa "Grande vadrouille"). Tourné en 1942 en pleine guerre, le film, précisons le, est une pure fiction, alors qu'il est narré comme s'il commençait après la guerre. La bataille de Bramley End n'a évidement jamais existée et le film avait comme but propagandiste de réveiller la vigilance des citoyens anglais. Bien que fort drôle et plutôt réussit, le film n'eut que peu de succès à sa sortie.

Seconde guerre mondiale. Et si les allemands avaient réussi à envahir l'Angleterre... ? C'est en exploitant ce filon que Alberto Cavalcanti livrera l'un des meilleurs films des Studios Ealing, dont 8 oeuvres majeures ont été immortalisées en DVD à l'intérieur du Coffret concocté par Bertrand Tavernier. Ici, on hésite longuement entre la comédie et le film et de guerre, et c'est seulement lorsque la comédie commence à prendre le dessus que la guerre pointe le bout de son nez. Quoi qu'il en soit, dans une phase comme dans l'autre, le film s'avère très réussi : par sa description minutieuse d'une petite communauté anglaise comme dans la suspicion qu'ils manifestent ou la critique de leurs faiblesses et leurs mesquineries. Quand arrive un bataillon militaire pour vérifier leurs installations de défense, ce petit monde s'agite et se méfie. Jusqu'à la bataille finale, tant attendue, et qui ne déçoit pas grâce à son traitement intime et individuel, à l'opposé d'un traitement spectaculaire qui aurait paru hors sujet. A ce moment, les masques tombent, et les destinées s'accomplissent : attendues ou étonnantes, c'est la loterie de la vie qui surgit dans cette fin originale.