Qu’en est-il du prestige ? Est-ce une récompense, un honneur ou un simple bon d’achat ? Le duo de cinéaste Mariano Cohn et Gastón Duprat (L'Homme d'à côté, L’Artiste, Citoyen d'honneur) tente d’y répondre, par le prisme de l’ego, celui qui obscurcit le fantasme initial. Pourtant, la satire ne va pas s’arrêter dans le fond d’une pensée qui a le goût de la farce, car elle tiendra notamment ses promesses dans la forme, qui déborde d’idées et d’humour maîtrisé. Leur intrigue ne cache pas ses intentions et dans les premières minutes, toute la trame est dévoilée avec une impatience qui frise l’absurde. L’enjeu n’est donc pas dans le récit, mais bien dans la rivalité entre les protagonistes, qui font face à leur némésis et au miroir de leur propre personnalité.
Un milliardaire orgueilleux souhaite l’éternité à travers le 7ème Art, mais il était loin de se douter que ce projet ne pouvait qu’égaler sa vanité. Il entre, en même temps que le spectateur, dans le tourbillon de conception et de production d’un film, dont il ignore ses subtilités, son minimalisme et ses excès en tout genre. Pour ce faire, des génies du milieu sont appelés à servir l’adaptation d’un roman sur la concurrence de deux hommes, pour l’unique place auprès de leur bien-aimé. C’est ainsi que l’on découvre Antonio Banderas et Oscar Martinez dans une cohabitation exceptionnel, à la veille d’un tournage qui a tout d’une bombe incendiaire. Mais pour éviter toute chute, c’est à la réalisatrice excentrique et investit que l’on confie cette tâche. Penélope Cruz lui offre ainsi un souffle vertueux et un look aussi imprévisible que ses exercices pour, selon elle, cadrer la performance de ses comédiens.
Nous avançons ainsi, d’une caricature à une autre, où celui qui se targue d’être à l’affiche de tous les succès commerciaux du moment va entrer en conflit avec celui qui privilégie l’intellect et la modestie. Tous deux s’égarent dans une certaine hypocrisie, assumée par les cinéastes argentins, ce qui donne lieu à des joutes oratoires délicieuses, mais également jubilatoires. La mise en scène dans ce décor à la fois vide et ouvert, encourage une perception symétrique des personnalités. Deux écoles pour deux méthodes, mais ni l’un ni l’autre ne parvient à avoir le dernier mot. C'est un jeu de dupes pur et simple qui garantit le tempo comique et la rupture de ton qui s'en dégage. Des rires aux larmes, la manipulation des émotions pousse son idée à l’extrême, quitte à transpirer de prévisibilité par endroit. Lorsque la caméra prend du recul, on se laisse balancer dans une texture moite, mais habitée par des comédiens exceptionnels, chose de quelque peu contradictoire, sachant d’où ils viennent et connaissant la cible de ce carnaval ludique.
« Compétition Officielle » (Competencia oficial) s’illustre ainsi comme une comédie qui viendra chatouiller quelques cadres du cinéma, des icônes hollywoodiennes et autres excentriques du milieu. Plus aucun tapis rouge ne flamboie après un tel discours sur les déboires de productions. Toute cette ambiance participe au sacrifice des comédiens et cinéastes exigeants. Le silence est parfois de mise, au même titre que les plans fixes, qui cristallise le cynisme de tout un système défaillant et compétitif, alors que l’on est censé repousser des limites dans un élan solidaire. Dommage que cette œuvre ait eu sa place en compétition à Venise, autrement elle aurait gagné en pertinence, même dans ses moments les plus embarrassants, où l’industrialisation monopolise le final cut et étouffe ses scandales.