Les frères D'Innocenzo continuent leur tournée en banlieue romaine, mais abandonnent ce ton lourd, grave et le réalisme de deux « Frères de Sang », afin de se pencher sur la bulle intemporelle, marquée par un remous malaisant. L’été sonne la charge vers l’évasion, la décompression et le prestige de renouer des liens familiaux et sociaux. Malheureusement, l’environnement n’y est pas propice, au milieu de ces pavillons, qui couvent une sorte d’hypocrisie morbide, justifiant ainsi la caricature prohibitive des pères et la caricature oisive des mères. Il ne reste de plus que des enfants, confinés dans un ultime baptême du feu, où ils devront s’opposer à leurs aînés, qui ne cessent de régresser chaque jour par la bêtise qu’ils cultivent. Le propos est alléchant et les réalisateurs appréhendent ainsi cette angoisse tel un conte, sans filtre et avec une certaine adresse.
Le format choral fonctionne, dans une certaine limite, et maintient un niveau de cohérence dans ces différentes collisions entre voisins de fortune. Ce n’est pourtant pas le cas d’une voix-off, diminué, passé une exposition qui a du mal à trouver le rythme et l’énergie de bousculer cette communauté de marginaux. Le concept tient donc dans cette infime poche de frustration, qui condamne un père à la jalousie, ne mettant à profit que de la violence mentale comme démonstration. Le mystère que l’on nous vante est dans cet enchaînement, sans que les pensées ne soient révélées. Une situation cocasse en appelle une autre, avec parfois plus de cruauté. Cela montre ô combien la recette du bonheur ne compte pas et qu’il ne s’agit que d’une lutte fantaisiste et éphémère, même pour ces enfants, qui ont un cran d’avance sur leurs bourreaux.
Si l’on se permet au préalable de les malmener, jusqu’à contrôler leurs envies et leurs désirs, ce sont bien eux qui ont la main sur le portefeuille. Celui de Bruno (Elio Germano) ne le rassasie évidemment pas et la tristesse se lit dans ces vaines tentatives de garder la face. Dans ce même laps de temps, il en oublie de se constituer une issue pour lui et sa famille, une vision unifiée qui lui échappe et qui donnera l’occasion aux petits garnements de mettre le feu aux poudres. La perte de l’innocence est si soudaine, qu’eux-mêmes perdent leurs référentiels. Si la cellule familiale n’apporte ni réponse ni épanouissement, c’est dans la confrontation permanente et dans un silence ravageur qu’ils se laissent aller. Ce sont des jeunes adultes avant l’heure, qui tentent de profiter au mieux du soleil romain avant de revenir sur les bancs d’écoles, où la misère aura eu le temps de creuser un peu plus son trou à domicile.
« Storia Di Vacanze » évoque cette confusion dans la communication, d’abord au sein d’une famille dysfonctionnelle, puis au cœur d’une communauté rongée par une compétition capitaliste. Ce mode de vie témoigne d’un pessimisme, aborder par le prisme de l’étrange, car on ne rira pas aux éclats, bien au contraire. Les D'Innocenzo œuvrent ainsi pour une tragédie contemporaine audacieuse, mais qui en fait trop par moment, que ce soit dans son choix de cadrage ou par la touche symbolique, loin d’être subtile. Mais c’est sans nous rappeler que la frontière est mince, entre la rêverie des sourds et cette vie abordable qui leur tend la main.