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Cinéphiles 44
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4,0
Publiée le 3 juin 2022
“Boy from Heaven” est un thriller de l’auteur Suédois d'origine Égyptienne à qui l’on doit le polar “Le Caire confidentiel” sorti en salles en 2017. Tarik Saleh nous emmène au cœur de la mosquée et université Al-Azhar au Caire. Adam, un fils de pêcheur sans histoire intègre ce haut lieu de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, il assiste à la mort brutale du Grand Imam et se retrouve malgré-lui au cœur d’une lutte de pouvoir entre politique et religion. En effet, chacun veut décider qui sera le successeur de la plus haute fonction de la mosquée et Adam pourrait être le meilleur pion à manipuler. Le film s’aventure sur de fausses pistes pour véhiculer la paranoïa et poursuit dans une infiltration haletante pour mieux instaurer son dénouement. Si quelques longueurs sont regrettables, “Boy from Heaven” est un brillant thriller sur la corruption religieuse. D'autres critiques sur notre page Facebook : Cinéphiles 44 et notre site cinephiles44.com
Un jeune homme voulant devenir imam entre dans une école religieuse, mais dès son arrivée le Grand Imam meurt subitement et un élève est assassiné. Il va mener l'enquête avec un vieil inspecteur ronchon, et les révélations vont surprendre ces deux compères... Il y a définitivement dans ce Boy from Heaven un air du Nom de la Rose, ce qui n'est pas pour nous déplaire : l'ambiance suspicieuse est bien rendue, on veut savoir le fin mot de l'intrigue, et l'on n'est pas déçus par les coups de théâtre surprenants (on n'aurait jamais deviné qui avait fait le coup). Avec une pointe de critique envers le gouvernement égyptien (et ses manigances de l'ombre pour faire disparaître les gens qui l'embêtent...), envers l'intégrisme à deux doigts du terrorisme et avec une belle préférence pour la religion tolérante, Boy from Heaven nous a mis dans sa poche, alors qu'on n'aurait jamais parié sur lui dans cette compétition du Festival de Cannes 2022. Autant dire qu'on s'est levé à l'annonce de son Prix du Meilleur Scénario, amplement mérité. On a également adoré la mise en images très inspirée, retenant quelques plans magnifiques : voyez ces chapeaux vus du dessus qui forment une marée de points qui s'écartent, voyez ces processions d'imams répartis sur deux étages qui avancent en parfaite symbiose... L’œil du réalisateur Tarik Saleh est expert pour dénicher les bonnes idées, et on s'est souvent surpris (en plus du scénario) à aimer les belles images qu'il crée. Évidemment, vous ne verrez quasiment pas une femme pendant deux heures, dans ce casting qui suit intrinsèquement une triste réalité, mais encore une fois : on s'est pris à repenser au Nom de la Rose (à part la sauvage, il n'y a pas de femmes non plus). Boy from Heaven en est le digne héritier égyptien.
Avec Boy from Heaven, qui aurait pu s'intituler Le Caire nid d'espions, Tarik Saleh passe manifestement un cap, et avec quel éclat. Le principal lieu de l'action n'est pas n'importe lequel : l'université Al-Azhar, véritable phare de l'enseignement et de la pensée de l'Islam, dont le pouvoir de fascination trouve son équivalent dans le Vatican. Un endroit que le gouvernement égyptien a de tout temps chercher à noyauter, en influençant l'élection du Grand Imam. C'est précisément ce moment capital que Boy from Heaven a choisi de montrer, à travers l'itinéraire d'un novice, modeste fils de pêcheur, amené à interagir malgré lui entre les puissances religieuses et politiques. C'est un film haut de gamme, passionnant de bout en bout, impressionnant par ses images de groupe comme pour ses nombreux tête-à-tête, maîtrisant les mouvements amples aussi bien que les plans rapprochés. Boy from Heaven n'est pas plus anti-religieux que Habemus Papam et c'est sans doute du côté de l’État égyptien que Tarik Saleh va se faire de nouveaux nombreux ennemis, dans son pays d'origine, anti-démocratique au possible et gangrené par la corruption (le film n'a évidemment pas été tourné sur place mais tout y sonne juste, y compris l'agitation cairote). Rien à redire non plus sur l'interprétation impressionnante du jeune Tawfeek Barhom et du chevronné Fares Fares, d'ailleurs méconnaissable. Un film brillant en tous points, tant dans ses silences que dans sa riche dialectique.
Ce film nous permet d’accéder à un lieu de pouvoir : celui des élites religieuses et du pouvoir politique égyptien. Adam, fils de pêcheur intègre une prestigieuse école et va se retrouver à son insu au centre d’un thriller politique palpitant. Le jeune acteur - Tawfeek Barhom est fantastique et a devant lui une belle carrière qui l’attend.