L’action se déroule à l’université Al-Azhar du Caire (tournage dans la mosquée Süleymaniye d’Istanbul en Turquie, le réalisateur ayant fui l’Egypte en 2016), institution islamique sunnite d’enseignement et l’une des plus anciennes au monde encore en activité (fondée en 988), après celles de Quaraouiyine à Fez (Maroc) et de Zitouna (Tunisie) et qui siège dans la mosquée éponyme. Le jour de la rentrée universitaire, le Grand Imam meurt. Trois successeurs (choisis à vie par un comité de religieux) sont possibles : le cheikh Beblawi, favorable au pouvoir en place du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, le cheikh Durani, proche des Frères Musulmans (organisation fondée en Egypte en 1928, ouvertement anti-occidentale et considérée comme terroriste et dont le candidat, devenu président d'Egypte en 2012, Mohamed Morsi, a été renversé par un coup d’état militaire en juillet 2013) et le cheikh Negm, aveugle, a priori incorruptible. La sureté de l’état intervient, via le colonel Ibrahim (Fares Fares et qui était le personnage principal du précédent film, « Le Caire Confidentiel ») pour influencer le vote des religieux de l’université en faveur de l’imam progouvernemental. Le réalisateur a su, avec beaucoup de talent, créer une atmosphère angoissante et paranoïaque, typique de la guerre froide dans les pays communistes de l’est de l’Europe où tout le monde était surveillé, espionné et où les services secrets disposaient de dossiers afin de manipuler les opposants. Au communisme, religion d’état, ici, c’est le pouvoir spirituel, l’Islam et ses différentes composantes qui bataillent avec le pouvoir temporel et militaire. Au milieu se trouve Adam Taha (Tawfeek BARHOM), candide et pieux, fils d’un pêcheur de Manzala, qui a obtenu une bourse pour étudier à l’université Al-Azhar et qui se laisse manipuler (
en échange de soins prodigués à son père
) afin d’obtenir des renseignements. Malgré une soumission de façade, on découvre sa grande finesse de jugement concernant la corruption ambiante et sa parfaite connaissance du Coran. D’où le titre original, « Boy from heaven », le garçon venant du paradis, en référence à Adam, expulsé, avec Eve, du Paradis pour avoir gouté au fruit de la connaissance. Le film est aussi une version moderne et musulmane du » « Nom de la rose » (1986) de Jean-Jacques Annaud (confrontation entre Franciscains et représentants du Pape dans une abbaye italienne en 1327) avec l’antagonisme entre le respect et la soumission totale à la tradition et au Coran et la modernité et l’accès à toutes les connaissances, d’où un parallèle possible entre Guillaume de Baskerville (Sean Connery) et le colonel Ibrahim et entre Adso de Melk (Christian Slater) et Adam.