Encore un Ovni de Albert Serra , peut -être le réalisateur contemporain le plus créatif , le plus atypique, le plus original et bien sûr le plus intéressant. Pourtant cette fois l’on part d’un scénario assez classique se déroulant à l’époque contemporaine. Le personnage principal est ce gouverneur de Tahiti, dans les îles lointaines, magnifiquement interprété par Benoit Magimel, homme d’un autre temps, paraissant comme un gouverneur du 19eme siècle. La force de Serra est de nous transporter hors du réel, et on va retrouver des malfrats, des marlous, des cabarets louches, une trans étrange, une sorte de petite cour . Et puis une intrigue va se créer autour du possible redémarrage des essais nucléaires et la possible présence d’un sous-marin français fantôme. Mais tout cela est surtout prétexte, à de magnifiques images, car Serra est peut être avant tout un coloriste , un peintre , il y a des couchés de soleil sublimes, flamboyant , incendiaire à la Turner, carmin, vermillon, mais aussi des nocturnes avec une partie seulement de l’image éclairée , 1/10eme ? technique déjà magnifiée dans sa sublime œuvre d’art, l’ immense « Liberté » de 2019, ode aux libertins du XVIII e. La dernière demie- heure est teinté d’un bleu étrange, surréaliste, très Picasso période bleue, superbe, envoutant. Une qualité d’image aussi ; i.e. la scène exceptionnelle de surf , avec la vague célèbre Teahupoo ( celle des JO 2024) , magnifiquement filmée, les petits bateaux d’encadrement des surfeurs paraissant des coquilles de noix. Superbe scène aussi dans le bleu de la DJete techno topless qui danse tout en nonchalance sur une superbe musique électro. Sur le fond on trouve cette sorte de nihilisme joyeux de Serra, proche de l’esprit libertin du 17eme siècle, sujet du sulfureux « Liberté » , mais à l’image de Magimel , qui les cite d’ailleurs, comme référence de la liberté sublime. De très jolis textes, sur la liberté, sur le faux « politiquement correct », sur le pouvoir intrusif, assez politique, et bien sûr des complots, de la manipulation sur la dernière demi-heure. Un film complet, majestueux, somptueux, bien sûr un peu lent, il faut accepter de se laisser porter par ce rythme quasi tropical.