Nuri Bilge Ceylan a voulu construire un récit basé sur les expériences d’un professeur en poste dans un village de l’Anatolie orientale pour pouvoir mettre en scène des situations invitant à une réflexion sur certains concepts fondamentaux. Parmi eux : le bien et le mal, ainsi que l’individualisme et le collectivisme qui, en Turquie, ont toujours constitué des dichotomies selon le réalisateur.
A travers l’histoire de ce professeur qui espère une mutation prochaine à Istanbul, Nuri Bilge Ceylan a voulu traiter et interpréter les différences qu’il peut y avoir entre celui qui reçoit et celui qui est de passage ; les répercussions psychologiques de l’éloignement ressenti ; le sentiment d’isolement, d’aliénation et d’exclusion ; le difficile combat quotidien que doivent mener les habitants de cette région ; les dynamiques de la trame géographique, ethnique ou sociale qui les entoure :
"Bien qu’une réconciliation soit souhaitée et demeure possible, les préjugés, les barrières dressées au fil du temps, les traumatismes subis et la tentation de faire payer ses fautes au premier venu isolent davantage ces âmes flétries par la vie. Chaque visage exprime une lassitude, chaque expression témoigne d’un regret. La fatigue se fait ressentir à chaque mouvement et chaque voix qui retentit se fait l’écho d’une douleur, comme autant de répercussions du « destin » qui frappe cette région."
Les Herbes sèches a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023. Une habitude pour Nuri Bilge Ceylan, puisque plusieurs de ses films y ont été montrés. Ainsi, le réalisateur a reçu le Grand prix en 2003 pour Uzak, le Prix FIPRESCI de la Critique internationale en 2006 pour Les Climats, le Prix de la mise en scène en 2008 pour Les Trois singes, le Grand prix en 2011 pour Il était une fois en Anatolie et la Palme d'or et le Prix FIPRESCI de la Critique internationale en 2014 pour Winter Sleep.
Nuri Bilge Ceylan a cherché à raconter l’histoire de ces jeunes fonctionnaires et professeurs nommés à l’est du pays au début de leur carrière. Ils entament souvent celle-ci avec toute la force de leur idéalisme, mais se retrouvent vite confrontés au déclin de leurs ambitions, constatant toute la différence qu’il peut y avoir entre les discours et la réalité : "Ils en viennent à éprouver une sorte de pesanteur et finissent par être habités d’un sentiment de nihilisme qui ne les lâche plus", confie le cinéaste, en poursuivant :
"Devant les souffrances infligées à ces terres et à cette nature, il arrive que l’on ressente le besoin de repenser le vrai et le faux, de réévaluer la faute et l’innocence. Dans cette région reculée que l’Histoire a rendu muette, nous avons essayé de restituer la fadeur et la trivialité de ces relations contraintes dans le cadre d’un service obligatoire ; de dépeindre le destin de l’enseignant voué à exercer une profession précaire ainsi que la relation entre des idéaux nobles et purs et le caractère impitoyable de la réalité."
Ce film a obtenu le Prix d'Interprétation Féminine pour Merve Dizdar au Festival de Cannes 2023.