Samet, enseigne les arts depuis plusieurs années dans un collège rural dans l’Est de l’Anatolie. Il vit en co-location avec Kenan, professeur lui aussi. Nuray, professeur d’Anglais fraîchement nommée, vient compléter le trio. Samet originaire d’Istanbul souhaite quitter cet endroit déshérité et loin de toute modernité, contrairement à ses deux comparses de culture alévie. Il entretient avec Sevim l’une de ses élèves, une relation particulière. Il est le seul enseignant à réprimander la singulière jeune fille, lui fera remarquer un élève.
Nuray, claudique légèrement. Elle garde les stigmates dans sa chair d’un attentat dont elle fût victime par le passé à Ankara.
Les deux jeunes hommes vont se voir reprocher par leur hiérarchie des rumeurs de harcèlement sexuel.
La sortie d’un film de Nuri Bilge Ceylan est toujours un évènement cinématographique, et la promesse d’un long long-métrage. Le réalisateur est un habitué des festivals et récompenses du 7ème art. Les Herbes Sèches est son 10ème film, après Uzak, Les Climats, Il était une fois en Anatolie, Winter Sleep ou encore Le poirier sauvage. Il nous transporte dans un voyage d’images superbes des contrées les plus reculées de sa Turquie natale. Des thèmes sont récurrents dans son œuvre, la mélancolie et la difficulté pour de jeunes gens cultivés de trouver leur place dans la société moderne. L’oncle Vania présent au cinéma chez Hamaguchi dans le sublime « Drive My Car » est aussi du cinéma de Nuri Bilge Ceylan. Comme chez Anton Tchekhov, il y a ici une écriture singulière pour décrire la vie en province, la solitude et l’ennui. La lassitude d’espérer confiera Samet à Nuray.
La nature sociale et sociologique de ses films, par le rapport à la photographie du réalisateur, leur donne une dimension universelle.
Dans « Le Poirier Sauvage » et « Les Herbes Sèches » les scénarios sont co-écrits avec son épouse, à partir de carnets intimes d’un cousin et ami du réalisateur. La mère de ce dernier, jeune enseignant muté en campagne, les lui avait remis. C’est après plusieurs années que Nuri Bilge Ceylan les a lu, et utilisé pour construire ses deux derniers films. Les mots de Samet, qui marche à travers les herbes sèches après s’être avoué ses mensonges à Sevim, sont mot pour mot ceux du carnet du jeune homme. Ils ont une puissance poétique qui au sommet de la colline, prennent une portée particulière.
Abbas Kiarostami ne souhaitait pas forcer le trait sur la psychologie dans l’écriture de ses personnages, qu’il associait alors à une pornographie de l’intime. L’être humain est complexe par nature, et des années d’analyse ne suffisent pas toujours à se comprendre soi-même. Le personnage de Samet bien éloigné de tout manichéisme, a toute cette profondeur, avec ses faiblesses et lâchetés, qui font un être humain.
C’est cette matière cinématographique pleine d’humanité qui est celle de grands réalisateurs d’Ingmar Bergman à Michaelo Antonioni, disparus tous les deux le 30 juillet 2007, il y a 16 ans aujourd’hui, qui fait toute la beauté singulière des films du réalisateur turque.
Les Herbes Sèches, est l’un des 3 films que j’ai le plus aimé depuis ce début d’année. Il est remarquable, un chef d’œuvre.
Les herbes sèches (germano-franco-turc – 3h17) de Nuri Bilge Ceylan avec Deniz Celiloğlu, Merve Dizdar, Musab Ekici, Ece Bagci, Erdem Senocak, …