Souvent, dans le cinéma de Nuri Bilge Ceylan, les personnages, loins d'Istanbul se morfondent. C'est encore le cas dans "Les herbes sèches" où les personnages principaux, des enseignants, sont comme exilés dans un village de l'Est glacial et couvert de neige, en espérant une mutation prochaine.
Bilge Ceylan, d'entrée, donne le sentiment d'un no man's land hostile et de personnages écrasés ou accablés par leur existence, persuadés peut-être de leur inutilité. C'est le cas de Samet, instituteur du primaire qui attend de pouvoir enfin quitter cet endroit où chacun s'étiole, résigné ou pas.
Le fim dure plus de trois heures et Bilge Ceylan prend tout son temps pour observer la vie morose du village et le film n'est pas sans langueurs, même lorsque différents incidents modifient, à peine, le cours de l'existence de Samet. Le cinéaste, conformément à son style, déploie une large réflexion philosophique, imagée ou dialectique (ainsi cette longue discussion entre Samet et une collègue sur l'engagement et la solidarité).
Pour ma part, je retiens surtout, à travers le personnage de Samet, l'idée de cohabitation du bien et du mal en un seul être, et ce que les deux mensonges d'apparence anodine de Samet, principaux ressorts dramatiques du film, ouvrent de perspectives sur sa personnalité, et par extension sur chacun de nous. Toutefois, il n'est qu'à lire les commentaires critiques, à propos de la portée philosophique du film, pour se rendre compte de la diversité des interprétations et du centre d'intérêt de chacun...
Sans doute, le cinéma de Bilge Ceylan est complexe et habité. La photographie, toujours superbe, introduit un sentiment de hiératisme. Toutefois, je mettrai "Les herbes sèches", relativement bavard, en dessous de "Il était une fois en Anatolie" et "Le poirier sauvage" parce que j'avais particulièrement aimé dans ces deux films leurs silences douloureux.