‘Ogre’ aurait pu être un petit chef d’oeuvre : quelques imperfections l’empêchent de briguer ce statut, sans qu’il cesse pour autant d’incarner une proposition fantastique d’un intérêt réel, en tout cas, l’une des plus originales qu’on ait vu ces derniers mois. Pourtant, le film s’ouvre sur l’un des poncifs les plus éculés du cinéma fantastique, la mère et son fils venus refaire leur vie dans un coin isolé. ‘Ogre’ s’inscrit également dans d’autres habitudes récurrentes du cinéma fantastique français, toujours mâtiné de chronique sociale : il décrit un village reculé, à la vie communautaire morne et aux habitants frustes et taiseux, dans lequel l’arrivée d’une nouvelle institutrice tient lieu d’événement de l’année. On pense parfois au récent ‘Teddy’ des frères Boukherma, en plus gris et plus automnal et sans les ruptures de ton humoristiques de ce dernier. On saluera aussi le portrait plutôt inhabituel de l’enfant, que ses traumas rendent aussi néophobe et hostile que les villageois et qui éteint fréquemment son appareil auditif lorsque la pression alentour lui est insupportable, ce qui dote le film d’un côté “expérience sensorielle” plutôt réussi. En fait, je ne parviens pas réellement à m’expliquer pourquoi le résultat me semble si souvent boiteux : le tableau villageois est crédible et l’économie de dialogues a moins à voir avec une pose auteurisante qu’avec une authentique réalité sociale, même si on sent que Arnaud Malherbe ne parvient jamais tout à fait à choisir entre le drame et le surnaturel. Quand il renverse radicalement l’ordre des priorités, et délaisse les clichés d’auteur pour exploiter, comme on peut s’y attendre, ceux des contes de fées, le résultat reste mi-figue mi-raisin, parfois doté d’un indéniable cachet visuel et parfois en manque de panache, comme si la sérieux et l’austérité propres à une certaine démarche d’auteur resurgissaient au plus mauvais moment. Entre cette proposition, certes perfectible, mais d’une originalité et d’une “couleur locale” incontestables, et le commun du fast-food horrifique international interchangeable, le choix est toutefois vite fait.