Y'a des petits cadeaux comme ça qui tombent sans crier gare, vous font apprécier pleinement l'instant présent avant de vous ramener quelques années en arrière. Riders of Justice, avec son titre à voir débouler Chuck Norris et Lorenzo Lamas est de ceux là. C'est pourtant l'ultra bancable et quasi-constant gage de qualité (Chaos Walking, sort de ma tête) Mads Mikkelsen qui s'y colle ici, sur une affiche aux allures de justice sauvage et solitaire façon vigilante implacable.
L'acteur Danois campe Markus, un militaire et un père absent. Démobilisé de force suite à la mort de son épouse, il se retrouve, lui, son absence d'empathie et son pragmatisme à toutes épreuves, aux prises avec sa fille adolescente. Alors qu'elle ne sait que faire de ses émotions face à ce drame à une période charnière de sa vie, lui se mure dans le silence.
Heureusement pour eux et leur relation chaotique, un capital sympathie et humour noir va débarquer dans leur vie sous la forme d'un trio aussi tristement charismatique que dysfonctionnel : Otto, Lennart et Emmentlhaler. Armés de leurs raisonnements, de leurs chiffres "beaucoup trop grands", de leurs probabilités et d'une envie folle de sortir de leur quotidien, ces informaticiens, persuadés que l'accident de train ayant coûté la vie à la femme de Markus n'en est pas un, vont lui amener les coupables sur un plateau. Une aubaine pour un homme qui ne savait nullement comment gérer cette situation.
A travers les personnages qu'il ne manque pas d'étoffer au fur et à mesure de l'action, Anders Thomas Jensen dont c'est le cinquième film nous fait naviguer perpétuellement entre comédie noire et caustique, comique de situations grotesques et improbables, et film de vigilante. Et il faut avouer que le mariage de ces deux styles est plutôt réussi grâce à cette équipe de névrosés et aux divers événements ponctuant leur quête de vérité. La cohabitation est jubilatoire car derrière le but commun qu'ils se trouvent pour des raisons qui leur sont propres, chacun découvre l'autre sans pour autant tenter de lui plaire. On reste campé sur ses positions, on se tient tête, mais justice sera faite, aussi sauvage soit-elle. Et de divergences d'opinions à quelques poings dans la gueule bien placés, on se marre autant qu'on s'attache à ce quatuor atypique et aux éléments rapportés qui gravitent autour d'eux.
Anders Thomas Jensen frappe donc juste en filmant ce deuil improbable aux allures de croisade loufoque et rédemptrice. Assez pour que je m'intéresse à ce qu'il a pu faire au préalable et oh surprise, me voilà de retour 15 ans en arrière. L'homme est aussi le réalisateur du cynique et drôlement malaisant Adam's Apple, film à l'humour noir impitoyable et propice à déclencher des fous rires nerveux, mais aussi, dans la même veine des Bouchers verts. On y retrouve d'ailleurs la même équipe. Et la surprise que représentait ce Riders of Justice et son ton si froidement agréable prend brusquement tout son sens.
Bref, si vous êtes sensible à tout cela, ce n'est pas un film que je vous conseille mais un réalisateur. Quant à moi, j'ai visiblement un léger trou à combler dans sa filmographie.