Ne nous trompons pas, le personnage central est bien Rama, l'écrivaine en recherche de l'histoire, l'histoire de l'autre où peut-être aussi la sienne, et non Laurence dans le box des accusés, immobile, impassible . C'est l'effet miroir qui est ici important.
Deux existences se côtoient dans un même film.
Dans la forme, beaucoup de lenteur , de tensions, des plans longs et silencieux, parfois rythmés par une respiration saccadée. Les choses s'égrènent doucement, des sous entendus, des gestes qui suggèrent. Un suspense pour une histoire dont on connait déjà la fin... enfin surtout pour Laurence Coly car que se passera t-il pour Rama ?
Puis il y a le fond, le plus évident, le déroulement du procès. Derrière un dispositif fictionnel le film est pourtant quasi tourné comme un documentaire. Le lieu de tournage dans le tribunal de Saint Omer, tourné dans l'ordre chronologique. Les figurants ont suivi comme un procès en direct, avec de longs plans séquences. Ce qui n'appartient pas directement au procès se sont les indécisions angoissées de cette jeune femme professeur écrivain seule dans une chambre d'hôtel ... pourquoi cet intérêt comme une obsession ? Cette fascination ?
Remarquable plaidoierie de l'avocate qui reprend le véritable discours. Le choix de la réalisatrice a juste été de le compléter avec une métaphore fort intelligente et fort sensible sur les chimères. Et là se rejoignent les deux expériences de ses 2 femmes, une forme de similitude. Les chimères une idée du lien, de la trace de la mère à l'enfant mais aussi de l' enfant à la mère... éternelle. Importance de la culture africaine entre ses deux femmes. Il est évoqué la sorcellerie, le maraboutage mais aussi la réelle fragilité psychologique... les deux interprétations ne se ressemblent-elles pas ? Personnellement ma lecture restera plus universelle. Je ne nie pas l'importance des origines mais c'est l'idée de la filiation, de la transmission mère - fille qui m' a interpellée. La nécessaire réconciliation avec sa propre histoire pour que de fille elle puisse se projeter vers le rôle de mère, dépasser ses craintes, ses trauma , se sentir prête, se débarrasser de ses peurs, de ses rancunes... regarder la fillette qu'elle a été, revoir et comprendre sa mère. Réinventer le lien perdu. J'ai alors pensé à ce livre "Les divins secrets des petites Ya Ya" de Rebeccas Wells
Remarquable à la fin la chanson "little girl blue " Nina Simone