C’est en voyant à l’automne 2017 l’exposition des photographies de Malick Sidibé, « Mali Twist », à la Fondation Cartier, que Robert Guédiguian a commencé à s’intéresser à la jeunesse du Mali des années 1960. Peu après, il en discutait avec Marc Bordure, l’un de ses associés d’Agat Films, qui avait rencontré le commissaire de l’exposition avec l’idée de produire une série ou un film documentaire. Le réalisateur se souvient : « En marchant dans la rue, il commence à me raconter ce qu’il avait appris sur le Mali des années 1960 et me décrit l’exaltation révolutionnaire qui animait cette jeunesse. Au bout de quelques minutes, je lui ai dit "et si je faisais un film de cinéma avec tout ça ?". »
Aux yeux de Robert Guédiguian, « cette histoire de jeunes gens idéalistes qui veulent créer un État socialiste après l’indépendance tout en dansant le twist et le rock’n’roll, ressemble à ma propre histoire. Si Bamako ou Marseille en modifie la forme, le fond est strictement identique. » Il ajoute : « J’ai le droit et le devoir de regarder toutes les histoires du monde. Heureusement, on peut raconter des choses qu’on n’a pas vécues, parce que nos pauvres vies sont très limitées. Je le dis sans provocation, c’est mon histoire, comme Tchekhov, Grossmann ou Harrison sont à moi, comme toute l’histoire et la culture du monde m’appartiennent, et je me dois de les utiliser. »
Avec le co-scénariste Gilles Taurand, Robert Guédiguian a assemblé beaucoup de documentation pour se renseigner sur le Mali des années 1960. Ils se sont inspirés d’une des photographies les plus connues de Malick Sidibé où l’on voit deux jeunes gens danser, lui en costume blanc et elle, pieds nus en robe. S’ils sont en réalité frère et sœur, le réalisateur en a fait pour son film un couple d’amoureux : « Nous voulions raconter une belle et tragique histoire d’amour pour incarner ce que j’appelle ce "moment communiste", de construction, de fête révolutionnaire où les possibles se heurtent à la contre révolution mais aussi à la tradition et aux coutumes ancestrales. »
Pour le réalisateur, établir son récit dans un cadre apparemment si éloigné du sien n’a pas été une contrainte : « je n’ai jamais fait ce que l’on appelle de l’autofiction. J’ai toujours parlé de mes sentiments intimes à travers des personnages très éloignés de ma propre vie. J’ai donc sauté sur l’occasion pour m’identifier immédiatement. » Il ajoute : « en parlant de ce pays-là, je n’avais pas la charge, pour le dire vite, du stalinisme. En Occident, quand on dit "je suis communiste" ou "j’ai été jeune communiste", on est tout de suite renvoyé dans les cordes par les questions liées à l’URSS, au stalinisme, aux dictatures des pays d’Europe centrale… »
L’équipe n’a pas pu tourner au Mali en raison du climat politique. Après avoir envisagé le Burkina Faso, c’est finalement au Sénégal que le réalisateur a décidé de tourner : « On avait une interlocutrice là-bas, une jeune productrice, Angèle Diabang, avec qui Agat a produit des documentaires. On lui a demandé, ainsi qu’aux collaborateurs sénégalais de l’équipe, les chefs décorateurs, le premier assistant, Demba Dieye, qui est un assistant exceptionnel, de relire le scénario. » Ce n’est pas Bamako que l’on voit donc à l’écran mais Thiès, à côté de l’aéroport de Dakar, qui est la deuxième ville du Sénégal.
En visionnant des documentaires de l’époque, le réalisateur a remarqué que les intellectuels au Mali parlaient en français. Cela l’a conforté dans l’idée de faire Twist à Bamako en français, avec des répliques en bambara (la langue véhiculaire au Mali) : « Ce qui n’était pas simple parce que des gens qui parlent bambara au Sénégal, il n’y en a pas tant que ça. On est allé chercher des figurants dans les associations bambaras de Saint Louis. On a voulu un mélange linguistique proche des usages de l’époque. »
En tant que français, issu de l’ancienne puissance coloniale qui a dépossédé les Maliens de leurs richesses et de leur histoire pendant plus d’un siècle, Robert Guédiguian estime avoir la responsabilité d’être le plus juste possible dans son récit : « Je peux moins faire d’erreurs que si j’étais malien. J’aime être accablé de responsabilités en faisant un film, avoir énormément d’enjeux, de difficultés, de risques, et à travers ces risques de faire quelque chose qui soit le plus réussi possible. »