Douloureuse utopie
Derrière ce titre qui sent bon les OSS 117, voire les SAS d’antan, se cache le dernier film de Robert Guédiguian, qui, en l’occurence, abandonne les rives de sa chère Méditerranée, pour le soleil de l’Afrique et s’essaie au drame historique. 1962. Le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d'Amérique. Samba, le fils d'un riche commerçant, vit corps et âme l'idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme. C'est là, en pays bambara, que surgit Lara, une jeune fille mariée de force, dont la beauté et la détermination bouleversent Samba. Samba et Lara savent leur amour menacé. Mais ils espèrent que, pour eux comme pour le Mali, le ciel s'éclaircira... Tout au long de ces 129 minutes, on retrouve la sincérité, l’idéalisme teintée de candeur du réalisateur de Gloria Mundi, La Villa, Les Neiges du Kilimandjaro, ou de Marius et Jeannette. Son cinéma est toujours aussi vibrant, même si la cause est ici différente. C’est amusant de constater que L’Humanité a beaucoup apprécié, contrairement au Figaro… On ne se refait pas !
C’est en voyant, à l’automne 2017, l’exposition des photographies de Malick Sidibé, Mali Twist, à la Fondation Cartier, que le réalisateur a décidé de s’intéresser à la jeunesse du Mali des années 1960. C’est en pensant qu’on pouvait raconter des choses qu’on n’a pas vécues qu’il a osé le grand saut vers le Mali. Inspiré par une des photographies les plus connues de Sidibé où l’on voit deux jeunes gens danser, lui en costume blanc et elle, pieds nus en robe, que le scénario a pris naissance, même si en réalité le frère et la sœur de ladite photo sont devenus un couple d’amoureux et, à travers eux, raconter une belle et tragique histoire d’amour pour incarner ce moment communiste, de construction, de fête révolutionnaire où les possibles se heurtent à la contre révolution mais aussi à la tradition et aux coutumes ancestrales. Le tournage ne pouvant se dérouler à Bamako, à cause du climat politique, il a eu lieu à Thiès, la deuxième ville du Sénégal. La passion de Guédiguian reste intacte, même éloignée de sa Provence et sait toujours nous transporter et nous déranger.
Loin de sa troupe d’habitués, Guédiguian met en scène le jeune Stéphane Bak et la délicieuse Alicia Da Luz, qui sont parfaitement convaincants. Hélas, on ne peut en dire autant des Saabo Balde, Bakary Diombera et tous les autres qui ne sont visiblement pas à l’aise devant la caméra et se contentent de débiter platement leur texte. Dommage, car cette variation politique d’un Roméo et Juliette à l’africaine méritait mieux. Certes le ton est un tantinet didactique et le film frôle par instant la démonstration de socialisme révolutionnaire pour les nuls. Mais la petite incursion finale dans le Mali d’aujourd’hui sous le joug islamiste fait pardonner la naïveté dans laquelle baigne ce drame. A voir pour ce Mali que nous ne connaissions pas et pour… Guédiguian.