Globalement, un film intéressant à plusieurs titres: il faut avoir de la personnalité pour se lancer dans la réalisation d'un mélo, vingt ans de la vie d'une femme; et puis, je trouve aussi assez culotté de parler d'amour conjugal, cette chose indéfinissable et tellement dévaluée maintenant, ce lien indéfectible entre deux personnes, malgré les divergences, les déchirements, les trahisons; enfin il y a un beau portrait d'un enfant qui sent qu'il n'est pas aimé par sa mère. Malgré tout, il ne convainc pas complètement, en raison de longueurs, de lourdeurs, et de quelques scènes frôlant le ridicule.
L'entrée en matière, faite d'images d'archives, serre le coeur. Il y a la face joyeuse de la libération. Ces filles girondes qui grimpent sur les camions des GI pour faire de gros bisous aux libérateurs. Et sa face sombre: les filles à boches, qu'on va chercher dans leur maison pour les exhiber souvent à moitié dévêtues, pour les tondre et les humilier au milieu des applaudissements de la populace. Certaines de ces filles étaient vénales; mais d'autres juste des petites sottes, tombées éperdument amoureuses d'un de ces beaux grands blonds....
Ainsi de Madeleine (Anaïs Demoustier excellente), qui n'a jamais eu de nouvelles de l'amoureux envoyé sur le front de l'est, en lui laissant un petit souvenir, qui vient au monde 9 mois plus tard...
On la rencontre serveuse dans un de ces hôtels restaurants de bord de plage, dans le Finistère, où les filles prennent leur service déguisées en bretonnes. Et avec elle, Daniel, ce petit garçon triste, dont elle s'occupe bien -le devoir maternel est parfaitement rempli- mais qu'elle ne prend jamais dans ses bras, qu'elle n'embrasse jamais. Pourquoi l'a t-elle gardé? On ne le sait pas. Par un sentiment moral, ou simplement parce qu'elle n'a pas trouvé de faiseuse d'anges? On ne le saura pas. Mais lui sait qu'il n'est pas aimé, et il fantasme sur ce père dont il ne veut pas croire qu'il est mort, et dont il a trouvé une photo, qu'il garde bien planquée... Ado, il sera interprété par Paul Beaurepaire.
Elle est inculte; son seul rêve, sa seule ambition dans la vie, serait de devenir un jour patronne de boite de nuit! Et pourtant, il va y avoir un coup de foudre réciproque avec François, qui prépare une thèse d'ethnographie, et que la polyo a laissé légèrement boiteux (Vincent Lacoste, que je n'arrive pas à trouver autrement que détestable...) Elle lui dit tout, tout de suite.
Mais lui ne dit rien de ses pulsions homosexuelles . Qu'elle ne découvrira que plus tard -et acceptera.
Un mariage, loin de la famille bourgeoise de François, qui déstabilise plus encore Daniel. Leur vie à deux les emmènera à Chateauroux, gérants d'une boite où les soldats de la base américaine (Morgan Bailey) viennent boire, chanter, se battre.... puis à Paris où François pourra enfin enseigner en fac. On saute allègrement d'année en année, d'un moment de vie à un autre. Famille où est venue une petite fille, apparemment unie, apparemment heureuse,
où la pragmatique Madeleine ne voit pas, ou ne veut pas voir, les obsessions de Daniel et les tentations de François.
Vous voyez, un beau scénario, un riche scénario. Peut être aurait il fallu être Clint Eastwood pour en explorer toutes les potentialités?