Le réalisateur a conçu Un parfait inconnu avec comme référence Amadeus de Milos Forman, son mentor dont il était l'élève à la Columbia University de New York. Il s'agissait d'explorer le parcours de Bob Dylan à travers le prisme des autres personnages : "Un parfait inconnu s’attache à un moment bien précis du parcours de Bob Dylan, sans pour autant raconter toute sa vie. Il explore un monde où la musique transmet beaucoup de choses". Ainsi le film se concentre sur les quatre années de l’ascension de l’artiste, de sa vie de nomade en galère à son statut d’icône du rock.
Le titre du film reflète d'ailleurs l'intention du réalisateur d'éviter les explications psychologiques simples envers un homme qui a échappé à toute définition six décennies durant.
Bien qu'il ait été choisi pour incarner Bob Dylan, Timothée Chalamet reconnaît qu'il ne connaissait de lui que son statut de légende de la musique avant la production du film. Après la pandémie de Covid-19 en 2020, deux grèves à Hollywood ont retardé le tournage. Un mal pour un bien car cela a permis au comédien de bénéficier d’une période supplémentaire de préparation. Ce qui était loin d'être un luxe puisque James Mangold tenait à ce que les acteurs chantent réellement et ne soient pas doublés, à l'instar de Joaquin Phoenix et Reese Witherspoon dans Walk The Line, autre biopic musical du réalisateur. Ce dernier déclare : "Je ne voulais pas que Timothée disparaisse derrière le personnage. Je voulais au contraire qu’il imprègne Bob de sa propre personnalité. Si sa prestation se résumait à une série de mimiques et à l’imitation de la voix de Bob Dylan, cela n’aurait aucun intérêt."
Ainsi, Timothée Chalamet s’est consacré à l’apprentissage intensif de la musique pendant cinq ans, acquérant les compétences requises tout en explorant le répertoire de Bob Dylan. Avec le coach vocal Eric Vetro, il a observé les concerts et les interviews du chanteur, en s’attachant à d’infimes détails comme sa posture et l’influence de celle-ci sur sa voix. Il a également appris à jouer de la guitare, instrument de prédilection de Dylan, et de l'harmonica.
James Mangold a choisi Edward Norton pour incarner Pete Seeger. Malgré la ressemblance physique entre le comédien et Seeger, le réalisateur considère qu'il s'agit d'un rôle à contre-emploi : "[...] c’était aussi l’occasion pour lui de se démarquer des personnages plus sombres qu’il interprète souvent. Pete est une sorte d’ange, à la manière d’un Fred Rogers, version folk music ! Il ne se mettait jamais en colère." Pour les besoins du rôle, l'acteur s'est initié au banjo : "Pete jouait un style de banjo ancien que même les meilleurs musiciens actuels ne jouent plus. Il avait un style folk assez simple, ce qui ne l’empêchait pas de produire un son complexe."
Elle Fanning interprète Sylvie Russo, un personnage qui évoque la véritable Suze Rotolo, qui fut la petite amie de Bob Dylan de 1961 à 1964 et qui apparaît à ses côtés sur la pochette de l'album The Freewheelin' Bob Dylan. La comédienne avait déjà donné la réplique à Timothée Chalamet dans Un jour de pluie à New York de Woody Allen. L'acteur déclare : "L’avantage avec un acteur ou une actrice avec qui on a déjà travaillé est qu’on se comprend à demi-mot. C’était donc bénéfique pour la relation entre Bob et Sylvie. Ils sont liés par cette forme d’intimité propre aux premières relations amoureuses et ont le sentiment de se connaître depuis très longtemps."
Cette relation a été si précieuse pour le chanteur que la seule demande qu'il a eue en lisant le scénario était de changer le nom de Suze Rotolo, afin de préserver le souvenir de cet amour.
Monica Barbaro, qui incarne Joan Baez, a pris l’initiative de dénicher le numéro de téléphone de l'artiste et de la contacter pendant la préparation du film. Elle voulait mieux connaître celle qu’elle était censée interpréter : "En raccrochant, je crois que j’ai lâché prise en me disant que je n’avais pas besoin de chercher à l’impressionner. J’ai pris conscience en lui parlant que je ne pourrais jamais être elle, et que malgré tous mes efforts, je ne pourrais pas lui ressembler. Elle est totalement singulière". Monica Barbaro s’est sentie soulagée après leur conversation et elle a ainsi pu camper pleinement le rôle.
Après Joaquin Phoenix dans Walk The Line (aussi réalisé par James Mangold), c'est Boyd Holbrook qui prête cette fois ses traits à Johnny Cash. Celui-ci et Bob Dylan s’écrivaient des lettres avant de se rencontrer au festival de folk de Newport en 1964. C'est le producteur Jeff Rosen qui a fourni à James Mangold et son équipe la correspondance entre les deux mythes de la musique, une ressource précieuse pour les comédiens.
L'un des décors principaux du film est MacDougal Street, situé à Greenwich Village. Cette rue, qui fourmille de clubs, galeries et cafés fréquentés par les poètes, les peintres et les musiciens, a été recréée sur Jersey Avenue, dans le centre de Jersey City, dans le New Jersey. Le chef-décorateur François Audouy a pris quelques libertés avec la topographie des lieux mais en a conservé l’effervescence artistique : "Il est impossible de reconstituer un quartier de New York à l’identique. Il faut s’adapter à la réalité des lieux et aux bâtiments existants, tout en cherchant l’authenticité et l’évocation d’une atmosphère, plutôt que reproduire un site."
Cependant, Audouy a le souci du détail puisqu'il a utilisé des journaux et des bonbons de l'époque dans les kiosques. De même, au premier étage des immeubles, ce sont des vêtements des années 60 qui sèchent sur la corde à linge. L’équipe a même jonché les rues du quartier de déchets conformes à l’époque et d’authentiques saletés.
Le seul décor qui a été minutieusement reconstitué dans ses moindres détails est celui du légendaire Studio A de Columbia Records où Bob Dylan a enregistré des titres marquants comme Mr Tambourine Man et Like a Rolling Stone. Le chef-décorateur François Audouy s’est appuyé sur les milliers de photos existantes du studio qui a été détruit en 1983.
Timothée Chalamet porte dans le film une prothèse nasale discrète qui modifie ses traits de manière à faire émerger le visage de Bob Dylan sans pour autant susciter de débat. La pose de la prothèse, le maquillage et la coiffure de l'acteur duraient environ 1h30 par jour.
La cheffe-maquilleuse Stacey Panepinto précise : "J’ai consulté des centaines de photos de Bob de l’époque évoquée dans le film. Son visage a changé lorsqu’il a pris de l’âge. Il a perdu de sa rondeur. On a un peu triché avec le maquillage pour que cela se retrouve sur le visage de l’acteur. Par ailleurs, la longueur de ses pattes variait et on s’en est servi pour montrer le passage du temps. On y a adjoint d’autres détails infimes qu’on a intégrés comme le fait qu’il ne se rasait pas tous les jours, qu’il se laissait pousser les ongles - qui parfois étaient sales - et qu’il avait des cernes sous les yeux."
La quasi totalité des séquences musicales du film ont été enregistrées en direct sur le plateau. Le mixeur Tod A. Maitland a mis au point un dispositif d’enregistrement en plateau pour des interprétations de chansons en live sur des films comme The Doors d’Oliver Stone et West Side Story de Steven Spielberg.
Il explique : "Autrefois, on se contentait de pré-enregistrer la chanson et on la repassait en play-back sur le plateau. Du coup, quand on voit le film, on entend les acteurs parler, parler, parler et puis tout à coup, ils se retrouvent dans un environnement sonore aseptisé qui sonne totalement faux. De nos jours, on essaie de coller à davantage de réalisme. Même si on utilise le play-back, on peut faire en sorte de ne pas donner l’impression qu’on quitte brutalement l’univers du film pour basculer vers un univers artificiel."
Initialement, le mixeur avait décidé d'utiliser du play-back pour pouvoir gagner du temps mais Timothée Chalamet a changé ses plans. En effet, au début du tournage, cinq minutes avant de filmer une scène où son personnage chante devant un public, il a insisté pour chanter en live. Finalement, 98% du film a été tourné en live, "et sans oreillette", précise Maitland. "Même quand on enregistre en direct, l’acteur est la plupart du temps équipé d’un boitier auriculaire pour écouter la musique. C’est ainsi qu’on peut enregistrer les dialogues en live, puis les monter et ajouter la musique par la suite. C’est beaucoup plus simple à gérer en post-production. Mais sur ce projet, on n’a pas eu recours au moindre chronomètre ou à quelque outil que ce soit."