Pour son premier film en temps que réalisatrice, Malou Leth Reymann s'inspire de sa propre histoire personnelle, celle d’une jeune fille qui grandit auprès d’un père transgenre. Elle explique : "En sortant de l’école de cinéma (la National Film and TV School au Royaume-Uni), je travaillais sur un tout autre projet de film, avec un autre sujet, mais dont l’écriture s’est révélée assez laborieuse. Après quelques mois de travail, j’ai réalisé que c’est en m’inspirant de ma propre histoire que je réussirai à m’engager pleinement dans mon premier film. Dès l’instant où j’ai assumé cette voie, l’écriture est devenue fluide, et j’ai pu y consacrer toute mon énergie."
Depuis quelques années, il y a de plus en plus d’histoires racontées au cinéma ou à la télévision autour de la transsexualité. Malou Leth Reymann précise : "Il y a cinq ans, lorsque je racontais à des gens l’histoire de mon père, c’était perçu comme quelque chose de très étrange et inhabituel. Aujourd’hui il m’arrive plus souvent d’entendre : « Mon ami a entamé sa transition. » C’est fou comme les choses ont évolué rapidement. Cette évolution a accompagné le processus d’écriture du film, et l’a aussi rendue plus simple vis-à-vis de ma famille. J’avais de toute façon décidé de m’affranchir de leur regard pour faire ce film, mais savoir que le contexte pour aborder le sujet s’était amélioré, et le dialogue ouvert, m’a largement aidé."
Malou Leth Reymann n'a pas envisagé de prendre un acteur transgenre pour interpréter le rôle de Thomas / Agnete. La réalisatrice voulait, au contraire, trouver un quelqu'un qui soit capable de jouer autant un homme qu’une femme. Elle confie :
"Quelqu’un qui ait une physionomie particulière, et qui puisse passer d’un corps d’homme à l’expression de sa féminité. Dans les carnets de note de mon père de ces années-là dont je me suis inspirée lors de l’écriture du scénario, la perception de son corps était la question centrale, et l’origine de tous ses doutes. Elle se sentait mal quand elle se rendait compte que son corps était plus large que celui d’une femme, qu’elle ne trouvait pas les bonnes chaussures, etc. C’était important de montrer Mikkel dans cet inconfort. Trouver quelqu’un qui puisse jouer et vivre en même temps sa transition était impossible."
Malou Leth Reymann a commencé sa carrière dans le cinéma très jeune, en tant qu’actrice. Elle a notamment été nommée aux Danish Critics Awards et aux Danish Academy Awards pour son rôle dans le film Hush Little Baby (2009). Après un Master de littérature à l’Université de Copenhague, Malou se consacre au cinéma et part étudier la réalisation en Angleterre, à la National Film and TV School. Elle réalise de nombreux courts métrages sélectionnés en Festival, et remporte notamment le Prix du Meilleur Film au Festival d’Odense, en 2011. A Perfect Family est son premier long métrage.
Malgré la gravité globale de ce que vivent les personnages, A Perfect Family est traversé de situations comiques ou décalées. Malou Leth Reymann voulait ainsi faire un film où l’on peut à la fois rire et pleurer : "Il y a un aspect tragique, bien sûr, mais aussi humoristique. C’était la meilleure façon d’aborder cette histoire, car c’est celle de mon père ! Dans chaque situation, même la plus douloureuse, il y a toujours un moyen de la faire paraître plus légère. Jill Soloway avait aussi cette approche dans sa série Transparent. Je suppose qu’une fois de plus, cela a un rapport avec l’amour. Si vous aimez vos personnages, s’ils sont dépeints avec bienveillance, alors vous pouvez vous moquer d’eux ! Nous avons fait quelques projections test pendant lesquelles certains spectateurs étaient choqués que d’autres rient à certaines scènes."