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leotain
9 abonnés
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3,5
Publiée le 8 mars 2020
Joli documentaire qui suit le quotidien de la bibliothèque de Montreuil sur toute une année scolaire. La caméra capte quelques jolis instants de vie plus ou moins spontanés dans un lieu de la cité qui arrive encore à se faire rencontrer des personnes aux passés bien divers. Plus que simple vecteur d'amour pour la lecture, la bibliothèque est un catalyseur de lien social dont on ne peut très certainement pas se passer actuellement.
Un documentaire très enrichissant sur le travail des bibliothèques et les possibilités offertes par ces espaces de vie, de lien social et de citoyenneté. Sans commentaire ajouté en post-production, chaque pôle de la bibliothèque Robert Desnos est couvert avec un regard attentif aux interactions entre les personnes et à leurs effets, ce qui rend le film vrai, et parfois touchant.
Alain Guillon et Philippe Worms ont posé leur caméra à la bibliothèque municipale de Montreuil pendant plusieurs mois. Ils y ont filmé une équipe de jeunes bibliothécaires, dynamiques et conscientisés, un public bigarré qui vient y chercher qui un livre, qui un endroit pour travailler, qui un lieu chaud pour s’abriter des frimas de l’hiver. Ils y ont filmé Ahmed, le sympathique agent d’accueil qui a un mot gentil pour chacun et un tour de magie pour tous. Ils y ont filmé les expositions temporaires, les cours d’initiation à l’informatique pour les seniors et les ateliers de conversation pour les apprenants de la langue française.
"Chut…!" souffre de l’ombre portée de "Ex Libris" l’immense documentaire que Frederik Wiseman, sans doute le plus grand documentariste vivant, avait consacré, il y a deux ans à peine à la "New York Public Library". New York vs. Montreuil, 3h18 vs. 1h47, Wiseman vs. Guillon & Worms : le match était perdu d’avance.
"Chut…!" est construit autour d’un joli paradoxe annoncé par son titre et par son affiche. Une bibliothèque municipale n’est pas une cathédrale silencieuse vouée au culte intimidant du savoir. C’est un lieu de vie où les populations se rencontrent, un oasis de gratuité dans nos sociétés capitalistes, un espace de valorisation respectueuse de toutes les cultures dans une ville bigarrée marquée par les vagues successives d’immigration malienne et indochinoises et en voie de boboïsation avancée.
Difficile de trouver à redire à ces beaux principes. Difficile de ne pas se laisser séduire par les jeunes bibliothécaires, pleins d’enthousiasme, qui vivent leur métier avec une telle foi, comme si chaque jour était le premier.
Difficile aussi, quand on est un vieux scrogneugneu comme moi, de ne pas trouver un peu excessif le déploiement d’autant de bien-pensance.
Alain Guillon et Philippe Worms nous ont filmé, moi, mes collègues, et le public de la bibliothèque, pendant près d'un an. Ils ont eu l'intuition juste que s'y jouaient des histoires fortes. Un lieu habité de l'implication, voire de la passion que moi et mes collègues pouvons avoir pour notre métier, et de la vie qui parcours cette ville énergique.
Il y a dix-sept ans, début 2003, je sortais en costard du métro à Mairie de Montreuil. désorienté, entre la mairie et un centre commercial désaffecté, je demandai mon chemin à un homme en djellaba qui m'indiqua la direction du parc. Dans le hall de la bibliothèque, Ahmed, comme dans "Chut...!" était à l'accueil et m'orientait vers le lieu de mon entretien d'embauche. Il m'a mis à l'aise, pour de vrai. L'entretien avec Bernard, Francine et Catherine a été amical et d'une grande franchise. Je me rappelle d'avoir conclu quand Catherine me demandais si je trouverais à me loger en région parisienne, que Paris était la plus grande ville de Bretagne. ça résonnait avec cette histoire de seconde ville malienne que j'avais lu sur internet la veille à propos de Montreuil. Toujours est-il qu'alors que depuis l'escalator de la gare je contemplais le plus haut sommet de Bretagne, la tour Montparnasse, mon Nokia a sonné. C'était Bernard qui m'annonçait mon embauche.
Lors de l'entretien j'avais promis de tenir le contrat moral de rester au moins deux ans après ma stagiarisation à Montreuil. Et il y a eu 2005, les révoltes des banlieues après la mort de Zied et Bouna. Et je suis resté, pour le sens d'exercer le métier de bibliothécaire sur ce territoire.
Je ne sais pas où je veux en venir en commençant ainsi mon histoire avec Montreuil, en revenant à la source. Ah. Si. ça a du sens. Je trouve du sens à être bibliothécaire, mon métier. Je trouve du sens à exercer ce métier sur le territoire de Seine-Saint-Denis, à Montreuil. Et ce film a du sens. C'est un film rare car il n'y en a pas tant que ça qui montrent en prise réelle la vie d'une bibliothèque. Et il a du sens, parce que beaucoup de personne retrouvent... heu... du...sens... en entrant dans une bibliothèque.