Un grand film, mais d'un genre pas des plus aisés. Mosquito est un projet cinématographique d'une très grande ambition. Plastiquement, le film est exceptionnel. Le moindre plan est d'une beauté confondante, du premier au dernier. Et ce, avec une variété sans cesse renouvelée. Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu une telle photographie au cinéma, peut-être car les films se passant en Afrique et tentant d'en restituer la lumière et les couleurs sont rares. Une seconde ambition du film est de sortir de l'oubli cet improbable conflit entre Portugais et Allemands dans le Mozambique de la Première Guerre mondiale. Le générique final, composé de photographies d'époque, dit bien la tentative d'exploration historique. De ce point de vue, ce n'est pas tant la dualité entre Portugais et Allemands qui domine, puisque ces derniers sont très absents, souvent présentés comme des être invisibles qui tuent et pillent puis disparaissent. L'apport historique concerne plutôt le traitement des peuples autochtones par les Européens. La scène d'ouverture est édifiante pour cela. Mais l'ambition la plus nette de cet opus est ethnographique (voire ethnologique). Le film est fondé sur la rencontre de deux mondes : l'Européen immergé dans les paysages et les (inquiétantes) sonorités du continent africain, confronté à des peuples dont il ne comprend pas la culture, ni la langue, ne sachant jamais s'il doit se montrer fasciné ou méfiant. Un monde où les femmes gouvernent sur des villages désertés par les hommes, et où l'on croise parfois des lions imaginaires ou bien réels, on ne sait plus trop. Cependant, le film porte en lui sa propre limite pour ceux comme moi qui ont du mal avec les récits de survie. La difficulté de ce genre cinématographique est qu'on s'enfonce progressivement dans la solitude, puis le mutisme, voire la démence d'un être qui ne fait plus qu'errer sans but, sans issue. C'est le problème d'Into the wild ou de Dead Man, et même un peu d'Apocalypse now. Pas facile d'échapper à cela, même si ici, le cinéaste brouille la chronologie par d'incessants flashbacks pour revivifier son récit. Le film dure deux heures, il a l'air d'en durer quatre... Mais ça reste quatre heures exceptionnelles, envoûtées par les esprits de l'Afrique, d'une guerre absurde, d'une lumière sidérante, sur les traces d'un ado dont la vanité tient lieu de courage, sublimé par le jeu d'un comédien qui a tout donné.