La Grande Magie est à l’origine une pièce d’Eduardo de Filippo, très connue en Italie. Noémie Lvovsky l'a découverte en 2008 à la Comédie Française dans une mise en scène de Dan Jemmett. "J’ai été émerveillée, foudroyée par ce texte. J’assistais au spectacle quatre ou cinq fois. Je ne découvrais pas seulement le grand texte d’un auteur génial que je ne connaissais pas, je rencontrais un texte frère qui touche à mes croyances et à mes doutes les plus intimes, à mes angoisses, à mes espoirs, à mes besoins et à mes questions les plus profondes, à ma vision et à mon sentiment du monde."
La pièce originale d'Eduardo de Filippo a été écrite en 1948 mais le récit n'est pas situé dans le temps. Noémie Lvovsky a choisi comme cadre temporel les années 1920, juste après la Première Guerre mondiale : "Il me semble que cette époque dit la fin d’un monde et résonne avec la mélancolie des personnages. Elle rend aussi nécessaire que dérisoire l’idée de divertissement et de villégiature heureuse en bord de mer. C’est une époque où la fiction se doit d’être aussi puissante que la réalité est dure, cruelle, aveuglante. La pièce, comme le film, sont hantés par la perte, la disparition, la mort."
Pour autant, elle n'a pas un goût particulier pour l'esthétique des années 20 et n'a pas cherché à en livrer une reconstitution minutieuse avec la cheffe costumière et décoratrice Yvett Rotscheid : "Nous n’en avions pas envie et nous n’en aurions pas eu les moyens. Ce sont les années 1920, oui, mais à notre goût, rêvées, imaginées depuis les années 2020. Nous avions envie de traces de notre présent dans le passé."
La Grande Magie est une adaptation très libre de la pièce d'Eduardo De Filippo. Le film en reprend la structure en trois actes, ainsi que certains personnages et certaines scènes, mais il s'en distingue aussi par les séquences musicales et les personnages féminins, à qui la réalisatrice a voulu donner "de la chair" : "J’ai longtemps étudié le texte de De Filippo puis j’ai eu besoin de m’en éloigner et de l’oublier pour m’approprier les personnages et leur histoire, tout en cherchant à rester fidèle à l’esprit de l’auteur."
La Grande Magie comporte des séquences musicales chantées et dansées, enregistrées en son direct. "La comédie musicale est un genre que je place très haut", affirme Noémie Lvovsky. Mais elle considère son long-métrage comme "un film où ça chante et où ça danse", plutôt que comme une comédie musicale : "je n’ai pas fait appel à des chanteurs ni à des danseurs. J’ai préféré aller vers des actrices et des acteurs qui, pour la plupart, ne savaient ni danser, ni chanter. Des amateurs en matière de comédie musicale. Je trouve tellement beau et bouleversant de voir ces amateurs chanter et danser !"
La musique de La Grande Magie a été composée par le groupe de rock français Feu! Chatterton, qui a été impliqué dans le film dès son écriture, un an avant le tournage. Noémie Lvovsky revient sur cette collaboration : "Nous faisions des lectures à la table, jouant tous les personnages, puis Florence [Seyvos, la scénariste] et moi proposions une trame ou un texte, Feu! Chatterton composait, Arthur Teboul chantait en adaptant nos paroles à la musique, nous écoutions la maquette, je demandais des changements, un tempo plus rapide ou plus lent par exemple, Florence et moi retravaillions le texte, et nous faisions ainsi de nombreux allers retours, jusqu’aux répétitions avec les actrices et les acteurs [...]".
Pour Noémie Lvovsky, La Grande Magie est un film d'acteurs, "un film d’amour pour les actrices et les acteurs. Et un film de troupe." Elle s'est aperçue, une fois la distribution terminée, que la plupart de ses comédiens étaient issus du théâtre : "J’aime tellement les gens de théâtre ! Ils ont une force de travail, un courage, une générosité et une humilité extraordinaires. Et ils ont l’esprit de troupe."
À l'instar de ses deux précédents longs-métrages, Camille redouble et Demain et tous les autres jours, Noémie Lvovsky est devant et derrière la caméra. Si elle a encore du mal à se trouver légitime en tant que comédienne, elle a trouvé l'opportunité de mêler dans La Grande Magie son rôle de réalisatrice et son rôle d'actrice : "Zaïra et moi sommes toutes les deux entrepreneuses de spectacle. Nous faisons de l’entertainment. Zaïra a beau n’être « que » l’assistante d’Albert le magicien, c’est elle qui mène la troupe, qui fait tourner la baraque."