Les débuts de Monia Chokri aux côtés de Xavier Dolan lui ont beaucoup réussi (Les Amours Imaginaires, Laurence Anyways). Et il n’est pas étonnant de la voir rebondir de nouveau, après son premier long, « La Femme De Mon Frère », notamment auprès de la scénariste Catherine Léger (Charlotte a 17 ans), dont on adapte une pièce de théâtre. Ensemble, le duo parvient à sublimer chaque idée et chaque plan qui commente de manière décomplexée les rapports de dominance dans la société québécoise. Que ce soit dans l’intimité du couple, sur les réseaux sociaux ou simplement dans un bistrot, toute une galerie de personnages souffre d’un mal invisible, qui les pousse à réinvestir leur statut consciencieux.
Pourtant, il n’est pas plus question de la morale que de la simplicité des relations humaines. En démarrant le film avec des échanges dynamiques et stroboscopiques, il n’y a ni la place ni le temps pour prendre du recul. Les mots s’envolent, parfois sans mépris et d’autres fois avec un résultat plus malaisant. Le sujet semble limpide, mais c’est probablement dans sa démarche que la cinéaste québécoise viendra nous surprendre, à l’aide d’une mise en scène de plus en plus inventive et décisive d’un monde désenchanté, ou presque. Un geste maladroit, mais loin d’être innocent, de la part de Cédric (Patrick Hivon) le contraint à une introspection loufoque, en passant par l’hypocrisie des médias comme des employeurs qui mettent en avant des valeurs, qui ne sont que les synonymes d’intérêts et bénéfices pour elles.
De la même manière, nous découvrons une Nadine, campée par Chokri, dans un état de dépression, voire de décomposition. Son mariage n’est pas aussi féerique qu’elle l’aurait souhaité. Soit, un jeune inconnu, va radicalement désamorcer les tensions, d’abord en les poussant jusqu’à leur limite, puis en étouffant toute tentative de répétition. Le personnage angélique d’Amy (Nadia Tereszkiewicz) a donc de quoi semer le doute, mais tout passe par le regard des personnages qui gravitent autour d’elle, comme du spectateur, qui se verra imposer le point du récit, avec une subtilité rafraichissante, jusqu’à jouer avec nos nerfs et notre sensibilité. N’oublions pas qu’il s’agit d’une comédie avant tout, qui a tendance à frapper sur tout le monde, mais qui n’oublie pas d’où elle vient et son propos, qui n’en a que faire d’alarmer dans un politiquement incorrect. La perversion est mise à nu à travers des situations cocasses et qui ne manquent pas l’occasion de rajouter une couche surréaliste, fantastique, voire horrifique, à la photographie rappelant la patine 60s, tout ce qu’il y a de plus hypnotique.
Chaque protagoniste agonise dans son petit cadre, qui ne laisse pas d’espace pour exister aux côtés de leur ego ou de leur misogynie. Il suffira alors de voir comment la réalisatrice s’amuse à tordre les principes du frère de Cédric, Jean-Michel (Steve Laplante), qui peine à canaliser sa libido en présence d’Amy. Cette sirène, montée sur des rollers quad éveille les obsessions et l’anxiété des résidents de cette bourgade pavillonnaire. « Babysitter » affirme donc avec des sensations fortes, la fragilité et les contradictions du désir, masculin ou féminin. Mais il est évident que la femme trône dans ce parcours atypique, où elle se libère des idées préconçues, qu’elles soient d’ordre féministe ou issues d’une masculinité toxique.