C’est donc l’histoire d’une relation d’amitié. Toxique, pense-t-on dès la scène d’ouverture, avec un clair dominant et un clair dominé. Soumis plutôt. Et puis arrive l’élément perturbateur. C’est une femme, évidemment, qui va jouer ici un véritable rôle de tiers séparateur. On pourrait s’attendre à ce qu’elle révèle des rivalités entre les deux hommes, des envies, peut-être des jalousies. Il n’en est rien et c’est là où ce film aux accents naturalistes, se déroulant dans un village du sud qui ressemble à mille autres, entre des jeunes qui ressemblent à mille autres, se démarque et trouve sa singularité.
Ce que révèle Elsa, et à quoi on ne s’attend finalement pas, c’est l’infinie solitude de Dog et Mirales. Tout les oppose : l’un est taiseux et lâche, l’autre est volubile et n’a peur de rien ; pendant que l’un passe ses journées devant la console, l’autre se repaît de littérature et de bons mots. En revanche, ce qui relie ces deux contraires, c’est leur profonde solitude. Ainsi Elsa, sans véritablement tenter de "réveiller" Dog de l’emprise tyrannique de son copain, va-t-elle les révéler l’un et l’autre à leur propre solitude et donc mettre en évidence la relation complexe d’interdépendance entre les deux amis, ce que la mise en scène soutient habilement mais qui doit surtout son épaisseur au jeu extrêmement convaincant des deux acteurs.
A ce titre, un dialogue sonne particulièrement juste. Alors qu’Elsa demande à Mirales de lâcher un peu Dog, celui-ci lui répond - très violemment - que, sans lui, Dog ne serait rien. "Et toi ?" lui rétorque Elsa du tac au tac avant d’être définitivement réduite au silence. La suite leur donnera raison à tous deux et l’on reste troublé, à la fin du film, par cette amitié étrange mais non moins singulière. Comment ne pas voir en Mirales, lettré mais particulièrement humiliant, la volonté d’extraire son copain de sa morne condition ? Comment ne pas voir dans la soumission de Dog l’espoir d’un horizon plus ouvert, lui qui reprend par cœur les auteurs des citations de son encombrant copain ? Autant de questions laissées en suspens lorsque le film s’achève.