Un film majeur, d'une très grande originalité, sur des thèmes rarement traités au cinéma : comment échapper à l'ennui au fin fond d'un village, et la chronique d'une amitié assez déséquilibrée. Jean-Baptiste Durand fait preuve de beaucoup de finesse et d'une très belle qualité d'observation. Le petit village du Pouget dans l'Hérault est magnifiquement et intelligemment filmé ! C'était une lumineuse idée. De toute façon, ça fait toujours du bien de sortir de Paris, et surtout quand c'est ainsi ! La photo s'avère sublime, en plus.
Durand montre bien le manque de perspectives dans ce genre de petits villages isolés de tout, et aussi le rapport au temps très particulier qu'on peut y développer
. Les parties de FIFA à la PlayStation, les jeux à gratter ou les discussions sur les ingrédients indispensables des pâtes Carbonara meublent les jours tant bien que mal
. Durand échappe en même temps aux clichés en brossant de superbes portraits de personnages plus vrais que nature.
Évidemment, ce film de portraitiste attentif acquiert toute sa valeur grâce à sa brochette d'acteurs exceptionnelle. On retrouve le beau et mutique Anthony Bajon, souvent indéchiffrable et mélancolique aussi, et qui continue à se construire, de film en film, une filmographie aussi solide que variée - d'Hafsia Herzi à Mouloud Achour en passant par Stéphane Brizé. Ensuite, bien sûr le film offre un rôle en or à l'ahurissant trublion qu'est Raphaël Quenard. Cet étonnant et rafraîchissant comédien, qu'on avait pu déjà apprécier dans la série "Family Business", campe ici un inoubliable Mirales, énervant, attachant, drôle volubile, cruel et loyal à la fois. Cet acteur sorti d'un peu nulle part apporte vraiment beaucoup de singularité. Son personnage intéressant contredit en plus totalement le cliché du plouc de campagne,
puisqu'expert d'Hermann Hesse en dépit de toutes les attentes.
Ce personnage aussi est interprété par une actrice remarquable, Galatea Bellugi, révélée par Giannoli dans le bien nommé "L'apparition". Son mélange de douceur et de fermeté et son côté taiseux et photogénique se marient bien avec le personnage d'Anthony Bajon.
Même s'il peut sembler anecdotique au premier abord, le film en dit long sur la léthargie dans laquelle sont plongés certains jeunes de villages, les petits riens dont leurs vies se nourrissent, et en même temps les petites épopées affectives qu'ils traversent souvent et, qui la plupart du temps, sont tues, et ne parviennent pas jusqu'aux écrans. Jean-Baptiste Durand répare cette injustice, et avec brio ! Qu'il en soit chaleureusement remercié !