Marie-Castille Mention-Schaar est l’exemple même de la réalisatrice inégale dans sa filmographie. Elle alterne l’excellence (le déchirant « Les Héritiers ») avec la nullité (le complètement raté « Bowling ») en passant par un film clivant sur l’embrigadement de jeunes adolescentes au Djihad (« Le Ciel attendra » qui nous avait laissé dubitatifs et clairement pas passionnés). La voir s’attaquer une nouvelle fois à un sujet de société actuel et polémique faisait donc un peu peur. Car il en faut du courage pour parler non pas seulement des couples gays ou transgenres mais d’accumuler dans un même film union gay, PMA et opération pour changer de sexe. Ce sont des sujets qui scindent et hautement polémiques à l’heure de la Manif pour tous et de la montée des extrêmes (notamment contre les progrès sociétaux). Et bien contre toute attente, la cinéaste s’en tire avec les honneurs, déjoue la plupart des pièges et des clichés qui se levaient devant elle et nous offre une œuvre douce, belle, juste et qui donne de l’espoir pour les personnes concernées.
Forcément le sujet va en rebuter certains et en irriter d’autres, mais il pourra peut-être aussi éveiller et donner des clés de compréhension positive à certains ou même faire évoluer des mentalités. Et rien que cela c’est fort, important et utile. Et puis, le cinéma c’est aussi cela il ne faut pas l’oublier : prendre des risques, heurter et réveiller les consciences sur des sujets prompt aux débats en tous genres. D’ailleurs la question du genre est très présente ici mais jamais déballéep de manière théorique, opportuniste ou démagogique. Dans « A Good Man », Mention-Schaar présente la plupart du temps ses protagonistes comme des personnes en quête du bonheur, peu importe leur sexualité, leur genre ou leur orientation sexuelle. Elle vulgarise cela de manière fine et probante. Il y a bien quelques détours vers des situations plus convenues (l’entourage qui ne comprend pas) mais nécessaires et d’autres plus dispensables comme l’agression homophobe. Cette petite partie ajoute une couche de complexité et un autre problème qui mériterait un film à lui seul. Il est ici trop survolé et le film est déjà bien chargé thématiquement et n’en demandait pas tant. On peut trouver dommage aussi que le scénario occulte le personnage de Soko dans la seconde partie, privant ainsi le long-métrage d’un point de vue important pour le film.
Hormis ces quelques défauts narratifs présents dans le script, « A Good Man » évolue avec grâce sur le fil délicat et ténu de son sujet extrême » Et cela en ne tombant quasiment jamais dans la caricature d’une minorité, dans les passages obligés ou même dans le film à thèse. Non, il a l’intelligence de présenter les problématiques d’un tel sujet et de les traiter de manière intelligente, sans esbroufe, naturellement. Il y avait beaucoup de pièges mais le film parvient à les contourner intelligemment et sobrement. Et il doit beaucoup à la composition clairement impressionnante de Noémie Merlant dont les choix artistiques continuent de surprendre et confirment un sacré talent. Dans le rôle de cette jeune fille transgenre voulant un enfant avec sa petite amie, elle est méconnaissable, crédible et bluffante. C’est le genre de composition bigger than life de l’acabit de celle de Charlize Theron pour « Monster » ou encore Jared Leto dans « Dallas Buyers Club » dans des prestations similaires. Les autres comédiens sont forcément mis un peu de côté mais ne déméritent pas. Comme souvent, les images de la réalisatrice sont soignées et le décor de cette île bretonne procurent un cachet original et rural bienvenu à ce type de thématique que l’on pourrait trouver souvent citadine. Et, pour terminer, l’émotion est bien palpable et à plus d’une reprise on est vraiment touché et ému sans que cela soit trop forcé. Uniquement par la justesse du traitement, par l’entremise de comédiens touchants et de situations adaptées et qui font réfléchir. Pas parfait, le long-métrage est cependant clairement réussi et ce n’était pas gagné. Un beau film nécessaire.
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