Un film tout aussi touchant, intéressant que troublant. Parce qu'il faut le dire, c'est la première fois qu'un film traite la thématique transgenre à travers une grossesse. De quoi bousculer les mentalités, élever le débat, et se dire que oui, face aux innombrables barrières qui se lèvent lors du parcours PMA / GPA, que ce soit d'un point de vue administratif, légal et psychologique, on se dit finalement pourquoi pas rendre normal qu'un homme transgenre qui ne va pas au bout de sa transition puisse porter la vie de son enfant. Cela soulève des questionnements et fondements complexes, y compris du côté de l'homme transgenre. A priori, un homme transgenre va jusqu'au bout de sa transition, notamment avec l'hystérectomie (ablation de l'utérus) et n'a aucune envie d'agir envers un acte qui lui rappellerait une part de féminité liée psychologiquement à sa vie et identité d'avant... Et c'est bien là l'enjeu et la force du film. Comprendre à quel point cette décision a un impact fort psychologique, que ce soit sur soi et sur son entourage, mais à quel point cette décision est aussi une véritable preuve d'amour. Que certains hommes transgenre aille jusqu'au bout de leur transition, et que d'autres souhaitent finalement garder tout de même l'opportunité de porter leur enfant, je trouve que cela reste logique, normal et donc possible de leur permettre de faire ce choix. Et il me semble que cela est une bonne alternative, le temps que la PMA / GPA puisse se démocratiser concrètement et pleinement.
Alors oui, assister à l'accouchement d'un homme à barbe et poilu est troublant visuellement, soyons honnête. Mais cela montre bien qu'il y a un long chemin à faire pour casser les codes d'une époque révolue, et habituer les mentalités aux normes d'aujourd'hui. Tout le monde est libre de faire ce que bon lui semble, et ce choix leur appartient intégralement, et ne doit se faire sous aucun jugement. Et j'alloue un grand respect et admiration pour la production et réalisation de ce film, d'avoir eu l'audace d'aller sur ce terrain, pour la première fois, et espère que cela fera évoluer les pensées mais aussi la façon de voir les castings.
Ici, c'est Noémie Merlant (actrice cisgenre) qui joue le rôle d'un homme trans. J'ai lu la polémique autour du fait qu'il fallait absolument un acteur homme trans pour jouer un homme trans. Il est vrai que cela aurait été plus naturel et facile mécaniquement et émotionnellement pour l'acteur de jouer finalement un peu son propre rôle mais l'un empêche absolument pas l'autre. Et la preuve en est puisque l'acteur Jonas Ben Ahmed (homme trans) joue lui dans le film le rôle d'un cisgenre... On voit donc bien que tout est interchangeable, tant que chacun est apaisé et psychologiquement bien ancré et en phase avec leur fin de transition, le débat n'a pu lieu d'être. Un homme trans est un homme et peut donc jouer un homme cisgenre.
Et honnêtement je trouve Noémie Merlant très bonne dans son rôle. Elle a logiquement dû beaucoup travailler sa posture et sa voix, avec un orthophoniste notamment pour la modifier puis ensuite ils ont baissé le timbre de la voix de quelques tons plus graves en post-production pour qu'on puisse entendre la voix d'un homme.
La mise en scène est sobre, et il n'y a pas non plus des scènes brutales d'opposition à l'acte, tout reste relativement profond et très psychologique. Le film parle de lui-même. Bravo pour l'audace, et pour tenter de faire évoluer les consciences.