Ce film est présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2024 en séance spéciale.
Pour écrire ce premier long-métrage, Alexis Langlois est partie d’une rupture. Une histoire passionnelle avec une personne qui lui a inspiré le personnage de Mimi, comme elle le déclare : "On venait de deux milieux différents, on faisait la même chose. Quand l’histoire s’est terminée, j’ai eu envie de la raconter, d’essayer de comprendre ce qui s’était passé."
Les Reines du drame puise sa source dans la cinéphilie de sa réalisatrice, et s’inspire d’Ève de Mankiewicz (1950), A Star is Born de George Cukor (1954), The Girl can’t help it de Frank Tashlin (1956) ainsi que de certains films de Pedro Almodovar. Le ton du film puise également dans les performances cinématographiques de Judy Holliday, considérée comme "une marrante mélancolique". Mais Alexis Langlois a été aussi marquée par la culture populaire des années 1990, comme la série Buffy contre les vampires, Britney Spears ou Mariah Carey.
Les Reines du drame cite la célèbre vidéo de Britney Spears dans laquelle elle se rase les cheveux. Une manière de "retranscrire cette cruauté tout en prenant la forme d’un hommage pour regarder tendrement celles qui aujourd’hui sont rejetées." L’idée du film est ainsi de célébrer les stars qui ont été considérées comme ringardes à un moment de leur carrière et qui, à l’ère de #MeToo et du féminisme, sont regardées avec davantage de tendresse. C’est la raison pour laquelle l’action se passe en 2055 et raconte le destin d’une diva pop de 2005, afin, selon Alexis Langlois, de "réfléchir plus facilement au fait d’être au placard », dit-il avant de conclure : "Ce sont toujours des enjeux contemporains mais on peut mieux parler de nous avec cette distance."
Après la chanson, Bilal Hassani signe sa première apparition comme acteur dans un long-métrage. Il y campe Steevy, le narrateur de l’histoire, de ses 15 à ses 60 ans. Il a ainsi eu recours à des prothèses pour se vieillir.
Pendant longtemps, Alexis Langlois a eu honte de compter dans son panthéon Britney Spears ou Buffy Contre les vampires quand les étudiants de sa fac ne juraient que par Truffaut, dont il n’avait vu aucun film. Il confie cependant avoir eu une "deuxième formation" lorsqu’il a commencé à laisser vivre son identité queer. Il y a découvert des artistes comme Gregg Araki, John Waters ,Lizzie Borden et, bien sûr, le cinéma de Werner Schroeter. Quand ce dernier a confié aimer aller au Louvre en écoutant Sylvie Vartan, Alexis Langlois a définitivement senti qu’elle pouvait mêler des références multiples, entre culture populaire et cinéma plus élitiste.
Alexis Langlois a souhaité faire un récit lumineux sur les personnes queer. Un récit promouvant la vie, contrairement à de nombreux films qui dressent un portrait "tristement réaliste" de leurs conditions. Selon la réalisatrice, cela amène un nouveau genre qu’elle appelle "Gender Fuck", comme elle l’explique :
"La dimension queer vient aussi du fait que les personnages, ou parfois les acteurices qui les interprètent, sont souvent dans une expression de genre Gender fuck. Au delà du genre : hyper fem, hyper butch, ou tout à la fois. Tous mes films sont obsédés par l’idée de se défaire des normes de genre. Et Les acteurices queer ont cette virtuosité en iels, iels peuvent tout jouer et c’est ça que j’aime mettre en scène."
Au départ, le rôle de Billie devait être interprété par la sœur d’Alexis Langlois, Injuste Langlois, qui joue dans la plupart de ses films. Si le rôle a même été écrit pour elle, elle a préféré décliner pour plusieurs raisons. Alexis Langlois a alors organisé un vrai casting pour la première fois de sa vie, à la recherche de Billie mais aussi de Mimi. Elle a alors eu un coup de cœur pour Louiza Aura et Gio Ventura. Lorsqu’ils se sont réunis, la magie a opéré. Un pari pour les jeunes acteurs, puisqu’ils devaient jouer leur rôle sur cinquante ans !
La fin des Reines du Drame fait allusion au court-métrage d’Alexis Langlois Les Démons de Dorothy, notamment la dédicace qui nomme les "prolottes".
Les Reines du Drame a subi des contraintes budgétaires, qui ont amené Alexis Langlois et son équipe à réfléchir sur des solutions à moindres coûts. C’est le cas pour les décors. Avec Anna Le Mouël et Barnabé d’Hauteville, la réalisatrice a réfléchi à l’agencement des lieux, pour les réduire au maximum. Une économie de décors qui permet d’en faire ressortir la symbolique, chaque lieu étant affilié à un personnage.
Sur Les Reines du Drame, Alexis Langlois travaille à nouveau avec sa cheffe opératrice Marine Atlan, avec qui elle avait déjà collaboré sur Les Démons de Dorothy, mais également des clips et des bandes-annonces de festivals. Fidèle à sa troupe, elle travaille également depuis douze ans avec Matthieu Delahausse, qui a fait toutes les animations et le graphisme de ses films.
Le film traversant plusieurs époques, de nombreuses techniques visuelles ont été utilisées. La première partie du film est composée d’un Technicolor des années 2000 qui mélange : "des images de clips de Christina Aguilera à celles d’un Minnelli, en passant par le bleu d’un Blue Velvet ». En outre, l’arrivée au Trois Moon convoque l’esthétique de John Cassavetes dans Meurtre d’un Bookmaker Chinois (1976).
Alexis Langlois a écrit les chansons présentes dans Les Reines du Drame, aux côtés de la chanteuse Yelle et de Carlotta Coco (une amie de lycée de la réalisatrice). C’est notamment le cas pour celles de Mimi Madamour ou de Magalie Charmer. Au début, Rebeka Warrior, l’une des compositrices des chansons, devait également les interpréter. Mais Gio Ventura a convaincu la réalisatrice de les chanter elle-même car "elle avait fait des années de karaoké et de chant sous sa douche !" Malgré tout, elle a parfois eu recourt au playback !
Alexis Langlois a eu très peu de temps pour tourner son film, qui s’est fait en vingt-cinq jours seulement avec des répétitions en amont à Bruxelles.